À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Sternum est engagé par un des dirigeants de la compagnie ICM pour abattre un individu qui habite dans un immeuble désaffecté. Installé sur le toit d’un édifice voisin, Sternum épie sa proie qui a tout l’air d’un robineux inoffensif. Alors, le tueur à gages commence à soupçonner que le contrat comprend une chausse-trappe. Il découvrira peu à peu des faits troublants, notamment la raison de la disparition de son ami Roland.
Commentaires
Perplexe. C’est bien le mot : une grande perplexité m’habite au terme de la lecture du texte de Claude-Michel Prévost. Cela tient surtout à la direction que semble vouloir prendre son écriture. De plus en plus poétique et basée sur une accumulation d’images, fulgurantes et impressionnistes, mais dont l’articulation et le réseau m’échappent parfois. L’exemple le plus éloquent de cette tendance, on le trouve d’ailleurs dans le texte qu’il signe (un véritable poème) dans l’anthologie de Meynard/Pelletier, Sous des soleils étrangers.
Au début, on ne comprend pas très bien ce qui se passe : les morceaux du puzzle ne sont pas encore en place. Normal, se dit-on. L’auteur s’attarde à exprimer son amour de Montréal en bombardant le lecteur des souvenirs qui traversent l’esprit de Sternum. L’écriture se fait lyrique, amoureuse de l’environnement ambiant. Mais il y a aussi des phrases qui sont là pour la galerie ou la sonorité : « Sternum fit le mouvement du simple fouet, mit son âme dans ses doigts pour flatter la crinière. L’odeur explosa forte, poil mouillé, puissante dans lui, sueur musclée : quelque part dans sa tête galopaient les neurones. »
Puis, les morceaux s’assemblent et on comprend que le contrat de Sternum risque d’être son dernier. Ramification de la ICM, trahison de la guilde pour qui travaille le tueur à gages, identité du type (Le Vieux) qu’il doit abattre, tous les fils semblent sur le point d’être raccordés par l’auteur. Puis, on ne comprend plus rien. La finale est tout à fait confuse. Quelle est la véritable nature du Vieux ? Entretient-il un lien avec l’aigle royal qui plane au-dessus de Montréal et attaque Sternum, le Vieux ayant un nez aquilin ? Pourquoi son supérieur et son ami Carlos ont-ils caché à Sternum ce qui l’attendait ? Pourquoi cette collusion entre eux et la ICM ?
On se perd en conjectures de toutes sortes et rien n’est expliqué, ce qui n’est pas tout à fait le propre d’un récit de SF, contrairement à un texte fantastique.
« Pas de dum-dum pour Mister Klaus » ne rompt pas vraiment avec la production antérieure de Claude-Michel Prévost. Sternum, par ses comportements, sa façon de réfléchir et le regard qu’il porte sur ce qui l’entoure, rappelle le personnage principal de « Cappucino Buns » et est sans doute, comme lui, un cyborg. Toutefois, la présente nouvelle marie habilement l’atmosphère de la "série noire" à la SF, élargissant ainsi le registre de l’auteur.
L’effet SF créé par le texte provient surtout de la nature du personnage de Sternum (et du Vieux, mais de façon complémentaire), beaucoup plus que de la description d’un Montréal presque contemporain (fin de siècle ou début de l’autre). Cette faible distanciation temporelle m’agace un peu par rapport à l’altérité plutôt profonde du personnage.
Claude-Michel Prévost est, à l’heure actuelle, l’auteur le plus étonnant de la SFQ. Comme tout écrivain qui innove, son originalité dérange, déstabilise nos habitudes de lecture mais en inventant un nouveau rapport avec le lecteur, tout en s’efforçant d’éviter la rupture complète, il actualise dans ses nouvelles l’essence même de la science-fiction. [CJ]
- Source : L'ASFFQ 1989, Le Passeur, p. 175-176.