À propos de cette édition

Éditeur
imagine…
Genre
Science-fiction
Longueur
Feuilleton
Paru dans
imagine… 68
Pagination
69-95
Lieu
Sainte-Foy
Année de parution
1994
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Ars sait que David a une peur irraisonnée des araignées. Il le force à affronter sa phobie afin de la surmonter. Puis les trois derniers élèves d’Ars se retrouvent dans une salle qui ressemble à un gigantesque estomac. Le liquide blanchâtre dans lequel ils pataugent est colonisé par des amibes. L’attitude d’ouverture et de solidarité manifestée par le trio satisfait le maître. La dernière épreuve consiste à nager dans une pièce remplie d’eau sans possibilité de remonter à la surface pour respirer. David et Goa font confiance au maître mais Ludmilla est éliminée quand elle emprunte la bouche de sortie. Les deux survivants de l’initiation sont acceptés comme novices et retournent momentanément dans leur famille avant d’entreprendre leurs cours à Éden pour devenir un maître au service de la Communauté des Planètes. Au moment de partir, Ars demande à David de lui rendre un service : livrer un petit colis à une amie originaire de la planète Achantis dont les habitants ressemblent à des araignées géantes.

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Commentaires

La principale faiblesse de ce feuilleton livré en quatre tranches est le manque d’équilibre dans la description des épreuves que subissent David et les autres élèves de Greg Ars. Les deux tiers du récit, voire les trois quarts, sont consacrés aux trois premières journées d’évaluation au cours desquelles la majorité des candidats sont éliminés. L’épreuve de la bille blanche (sensation de plaisir et de bonheur quand on la tient) et de la bille noire (sensation de douleur et de souffrance) s’étire inutilement sur de nombreuses pages (épisode 2). Le lecteur est à quelques alinéas de décrocher.

Par contre, Danielle Tremblay expédie en quelques pages les exercices de simulation qui permettent de mesurer les connaissances nécessaires pour devenir un maître (astronomie, avionique, mécanique, astrophysique) et les habiletés manuelles des élèves aspirants mais consacre des pages et des pages à l’acceptation de l’autorité, à la solidarité, au don de soi et à l’ouverture d’esprit. L’auteure insiste beaucoup sur les épreuves qui font appel au contrôle de soi, à la psychologie des individus et à leurs qualités morales. De plus, la période d’initiation des recrues qui s’étend sur trois semaines apparaît bien courte pour accéder à une fonction à la portée de si peu de personnes.

Pour tout dire, c’est la démarche spirituelle intérieure des candidats qui intéresse Danielle Tremblay. L’enseignement du maître que reçoivent les postulants de la Communauté des Planètes n’est pas sans rappeler l’entrée en religion des novices. On leur impose le silence pendant plusieurs jours, on les prive d’eau et de nourriture, on les dépouille de leurs vêtements si bien qu’ils sont nus pendant toute la durée du stage. Dans ces conditions, même si le narrateur avoue trouver telle assistante ou postulante jolie et attirante, les rapports entre les membres du groupe demeurent chastes et la sexualité est sublimée. D’ailleurs, le nom du maître qu’a choisi David n’évoque-t-il pas le curé d’Ars ? Comme chez Jean-Marie Vianney élevé au rang de saint, il y a chez Greg Ars une exigence qui tend vers la sainteté. Et David est aussi un nom chargé d’une connotation religieuse. Les actes commis au cours de son adolescence – en particulier sa non-intervention alors qu’une jeune fille était violée sous ses yeux, viol qui a conduit la victime au suicide – ne sont pas sans rapport avec ceux du roi David qui a envoyé le mari de sa maîtresse Bethsabée à la guerre pour l’éliminer.

J’ai été déçu de constater que tout le feuilleton était consacré à la préparation et à l’évaluation des recrues lors de situations simulées en laboratoire sans qu’on les voit par la suite dans des situations réelles. L’épreuve des amibes qui cherchent à se reproduire est intéressante à cet égard car elle fait appel au jugement et à l’instinct de David tout en ouvrant une fenêtre sur les conditions de vie très différentes de leur planète d’origine. La rencontre finale qui met en présence David et une Achante illustre bien aussi la capacité d’adaptation nécessaire pour servir la Communauté des Planètes même si le contexte est moins dramatique que celui qu’a vécu Ars au moment de son premier contact avec l’Achante.

« Pas de paradis sans… l’enfer » pose des questions morales pertinentes sur les pratiques culturelles différentes des races extraterrestres. L’origine darumienne d’Ars nourrit ce questionnement et entretient son ambivalence. Est-il réellement sadique ou veut-il simplement forcer les jeunes à aller au bout d’eux-mêmes ? L’aspirant novice est invité à laisser ses préjugés, comme ses vêtements, au vestiaire. En ce sens, ce récit est une leçon d’ouverture d’esprit et un éloge de l’entraide humanitaire. Tournant le dos au cynisme et aux visions sombres d’une certaine SF, Danielle Tremblay promeut avec conviction un idéal d’humanisme auquel on ne peut que souscrire. [CJ]

  • Source : L'ASFFQ 1994, Alire, p. 175-176.