À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Un sordide hangar londonien, jadis atelier d’un menuisier ou d’un peintre. Un homme entre, élégamment vêtu pour cette fin de dix-neuvième siècle. Il rend un hommage silencieux à une très belle femme debout dans un coin, l’embrasse avec passion, puis la dévêt pour découvrir son abdomen creux. Comme une offrande, il y dépose des viscères, dont il semble vouloir remplir graduellement son aimée.
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Commentaires
Jean Pettigrew a pris le parti d’une nouvelle reposant exclusivement sur les descriptions : de décor, de lieu, d’intérieur, de personnages, d’objets. Descriptions appuyées peut-être, images efficaces, belles parfois, un lieu sordide où détonne un seul beau meuble « abominablement élégant », celui où sont rangés des instruments chirurgicaux soigneusement aseptisés.
De dialogue, point, puisqu’on comprend vite qu’il peut seulement y avoir monologue. Trois phrases seulement, celles de Jack : « Je vous ai apporté de nouveaux organes, Madame. Souffrez que je vous les présente. […] Le foie, madame, et le pancréas. »
Pettigrew réussit, en six pages seulement, à créer une ambiance, une montée de tension vers l’horreur, où les célèbres crimes eux-mêmes sont évoqués en creux (c’est le cas de l’écrire), c’est-à-dire par ce qui les précède, ce qui les suit et ce qui les cause, plus que par eux-mêmes. Certes, l’auteur mise sur notre mémoire cinématographique pour reconstituer l’ensemble, remplir les vides : nous avons tous vu des films sur Jack l’Éventreur où les cadavres eux-mêmes n’étaient que brièvement montrés et où on lisait l’horreur sur le visage des témoins ou des enquêteurs.
Six courtes pages pour proposer une explication inédite mais plausible de l’inexplicable, hypothèse tout à fait compatible avec les dessous obscurs que la psychanalyse naissante commençait, à cette époque justement, de mettre au jour. Explication plausible pour ces actes, les premiers hauts faits d’un type de criminalité urbaine naissante, le meurtre sadique et gratuit qu’à tort ou à raison on a cru jusque-là absent d’une société plus rurale, plus équilibrée, à dimension plus humaine. (Mais il y a eu Gilles de Rais dans sa campagne bretonne.)
Et le fantastique dans « Pauvre Jack ! » ? Oui, si certaines aberrations humaines, outrepassant le naturel, confinent au surnaturel, et oui, si on s’attarde à une phrase très subtile dans l’antépénultième paragraphe de la nouvelle. [DS]
- Source : L'ASFFQ 1989, Le Passeur, p. 165-166.