À propos de cette édition

Éditeur
CEULa
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
L'Écrit primal 4
Pagination
56-68
Lieu
Sainte-Foy
Année de parution
1987
Support
Papier

Résumé/Sommaire

"Môman" est à la tête d’une vaste famille d’enfants et de petits-enfants pour qui elle prépare, dans la confusion et la précipitation, un réveillon de Noël. Entourée d’animaux, amoureuse de la nature qui environne sa maison de campagne, elle s’avère peu à peu une créature surnaturelle, sorte de déesse-mère d’envergure modeste, vieille de mille ans, en communication avec les forces de la nature et du surnaturel, détentrice de nombreux pouvoirs. Cette maison est hantée puisqu’elle et les siens seront invisibles aux adolescents ivres qui y entrent pour festoyer.

Commentaires

Parcourir ce texte est aussi désagréable que le serait pour un piéton de suivre un chemin de fer aux traverses inégalement espacées et non-équarries. Ici, les phrases de dix lignes se bousculent et s’étirent, bavardes, dissonantes, sans grâce. Lorsqu’elles deviennent répliques de dialogues, elles basculent du grotesque au loufoque : « Mon tendre énergumène […] l'horloge a sonné depuis peu la neuvième note et c'est l'heure pour les gamins de ton âge de sombre dans les tentacules morphéiques ». (p. 63)

Le style est détestable, chargé comme un panier d’épicerie trop plein. Poursuivons l’analogie : les roues sont abîmées et tout ça file mal, cahots, embardées, on voudrait tout flanquer là. C’est l’exemple courant de l’écriture québécoise débutante (et pas toujours débutante) : mots mal choisis, souvent excessifs, images forcées, exagérations stridentes. « Propulsa un coup d'œil » au lieu de « jeta un coup d'œil » ; un « brûlant nectar » pour une soupe. Il y aurait nombre d’exemples ; leur transcription demanderait plus de temps que n’en mérite le texte, il faudrait citer la moitié de la nouvelle. Ces images excessives, de mauvais goût, sont à l’écriture ce que les pneus peinturés en turquoise et en rouge sont à l’aménagement paysager.

Dans ces conditions, les divers niveaux potentiels du texte se perdent dans le cahotage du récit : qu’est-ce qui est du premier niveau, qu’est-ce qui est de l’ironie ? Seul le fantastique parvient à surnager, bien visible, nous épargnant au moins la question d’inclure ou non la nouvelle dans ce genre. [DS]
 


 

Il y a longtemps que je n’avais lu un texte de cet acabit. Comme un tonnerre roulant, comme une tornade échevelée, les phrases s’entortillent dans notre esprit pour y créer un désarroi de bon aloi, mais aussi… un certain sens de la jubilation. Car l’écriture de Marie-José Morin est jubilatoire, puisque sans aucune retenue. Ces phrases qui pétaradent comme la vieille voiture de "Môman", qui sentent la cendre des lendemains d’un feu de la Saint-Jean et les relents de la fête où pas un tonneau n’a été épargné, ces phrases où les détails hétéroclites abondent, où les pensées sont iconoclastes et les dialogues bourrés de référents humoristiques, absurdes et tendres, ces phrases, donc, participent directement à cette histoire d’une famille ô combien bizarre et de leur mère à tous, encore plus fuzzée

 

Et pourtant ! Cette môman qui joue à la bourrasque, cette famille qui pense avoir les Marx Brothers comme grands-oncles, ne représentent-ils pas une certaine condition humaine, celle qui s’ennoblit peu mais qui vit si intensément qu’elle dérange toujours les bien-pensants ?

D’autre part, le basculement final est intéressant. Au début, le lecteur n’est pas à même de savoir que cette famille fofolle en est une de revenants et le changement de narration se fait sans accroc, faisant déraper le réalisme dans le fantastique, le fantastique dans le réalisme. Qui plus est, l’auteure se permet même, par quelques allusions à des espaces-temps déplacés latéralement, de semer le doute en montrant que, peut-être, la science-fiction n’est pas si loin. Cette piste, mieux développée, aurait d’ailleurs pu être fort intéressante.

« Petit Conte familial et surnaturel », malgré et à cause de son torrent verbal, de son sujet et de son traitement inhabituel, m’a plu. Eut-il été un peu plus travaillé dans ses excès, un peu mieux astiqué dans ses angles, nous aurions eu droit à un petit bijou fort reluisant… et fort dérangeant. [JPw]

  • Source : L'ASFFQ 1987, Le Passeur, p. 123.