À propos de cette édition

Éditeur
XYZ
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
XYZ 45
Pagination
76-81
Lieu
Montréal
Année de parution
1996
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Robin parle peu car il préfère se taire plutôt que proférer des lieux communs et des évidences : un comportement en réaction aux sempiternelles questions de ses parents, « grands chercheurs de vérité » toujours à demander « Qui a fait ci, qui a fait ça ? » alors qu’ils connaissent la réponse, puisque Robin est enfant unique. Ainsi pense le jeune garçon en son for intérieur. C’est pourquoi il est devenu mutique, et lui-même obsédé par la vérité : où se terre-t-elle donc, et quel visage a-t-elle, cette mystérieuse, fugace, évanescente créature ?

Commentaires

À partir d’un axiome et d’une expression bien connus – « La vérité sort de la bouche des enfants », « puits de vérité » –, Laurent Chabin construit une nouvelle fantastique fort réussie. « Demain, il [Robin] entrera dans l’adolescence. » C’est dire que le temps presse pour notre tourmenté héros, qui passe ses dernières vacances d’enfant chez ses grands-parents, à la campagne. Puits il y a bien sûr, que Robin, on s’en doute, contemple à l’envi. En surgit « un être informe, immense, verruqueux », et peut-être femelle. Incarnation de la vérité ? En tout cas cet être est vieux, d’une vieillesse puante, pestilentielle.

La « chose » n’est pas menaçante. Mais semble faite « de tout ce que l’imagination a pu inventer de plus dégoûtant », elle est d’une vieillesse « vieille comme le monde », « laide comme lui », de la laideur de quelqu’un portant sur son corps les stigmates de toute l’horreur du monde depuis la nuit des temps. À sa vue, Robin s’évanouit, puis reprend conscience et retourne chez les siens qui le regardent avec effarement. L’enfant a maintenant des cheveux blancs, un front ridé, un dos voûté, et « les yeux de quelqu’un qui aurait fait le tour du monde ».

Au vieillissement subit et invraisemblable de son protagoniste, Chabin ne propose aucune explication réaliste ou logique. Nouvelle véritablement fantastique que « Petit Vieux », donc. Nouvelle fantastique, et métaphorique, et philosophique aussi. Chabin joue sur la portée des mots pour celui qui les prend au pied de la lettre. Et va plus loin. Robin « a vu ce que tout le monde rêve de voir, mais refuse de regarder », c’est-à-dire la vérité. Et qu’arrive-t-il lorsqu’on regarde la vérité en face ? La fin des illusions, inévitablement, donc un vieillissement, une solitude.

Malgré sa brièveté, « Petit Vieux » est une nouvelle polysémique. Et stylistiquement impeccable, par surcroît. Au final, Laurent Chabin procure une jouissive expérience de lecture. [FB]

  • Source : L'ASFFQ 1996, Alire, p. 54-55.