À propos de cette édition

Éditeur
Héritage
Titre et numéro de la collection
Échos
Genre
Hybride
Longueur
Recueil
Format
Livre
Pagination
188
Lieu
Saint-Lambert
Année de parution
1997
ISBN
9782762587418
Support
Papier
Illustration

Résumé/Sommaire

Commentaires

Daniel Sernine, dans ce recueil, se promène avec aisance entre différents registres fantastiques et science-fictionnels. Rien ne semble être à son épreuve : légende gaélique de la Banshee et abus d’une technologie futuriste, jeunes des décennies passées et adolescents d’un futur potentiel, Russie de la révolution d’octobre et Québec contemporain. Dans Petites Fugues en lettres mineures, l’auteur esquisse en quelques touches habiles des univers d’une très grande variété. À la limite, on pourrait même se demander ce que toutes ces nouvelles fabriquent ainsi réunies, quel but leur compilation poursuit, sinon la nécessité soudaine de rassembler des textes éparpillés dans différents collectifs et périodiques.

Les nouvelles de ce recueil peuvent en fait être réunies en deux groupes distincts : celles dépeignant des univers d’adultes et celles centrées sur le point de vue d’un jeune personnage.

Curieusement, dans la première catégorie, on retrouve aussi les textes ayant une dimension horrifiante, qui dépasse la capacité d’agir des personnages. Ainsi, « L’Icône de Kiev » est une nouvelle de la plus pure inspiration fantastique centrée sur un objet maléfique. Les personnages sont happés dans le champ de force d’une icône qui a la réputation de reprendre une vie pour chaque existence qu’elle sauve. Il s’agit d’une réflexion sur l’inéluctabilité du destin. De même, « Banshee » est un récit mystérieux et envoûtant (j’entends encore la voix douce et ferme de l’auteur en faire la lecture lors d’une soirée littéraire), axé non pas sur un objet mais sur un mythe qui lui donne son titre. Le narrateur raconte l’histoire de Keable, un homme obsédé par le cri de la Banshee qui résonne depuis la mort de sa femme. Il finira par aller la rejoindre dans la mort sous les yeux du narrateur qui, virtuellement, ne se sort pas non plus de cette histoire intact ; c’est l’histoire d’une obsession, et cette obsession est communicative, à ce qu’il semble. Quant à « Dans ses yeux une flamme », celui-ci n’apparaît pas d’emblée comme un récit fantastique, mais il s’en dégage une inquiétante étrangeté, celle des chats, tout d’abord, et puis celle d’un voisinage familier qu’on ne connaît pourtant jamais tout à fait. Et puis la fin est marquée par un phénomène d’apparence surnaturelle, la combustion spontanée. Cette nouvelle raconte le drame, vu par les yeux d’un adolescent qui n’en saisit pas tous les enjeux, d’un jeune homme qui se sait différent, homosexuel, et qui se consume littéralement d’amour pour l’autre qui ne veut pas de lui.

En revanche, dans la catégorie des nouvelles reposant sur les univers de jeunes personnages, ceux-ci sont plutôt confrontés à un choix, à un événement décisif qui changera le cours de leur vie. « Les Derniers Érables » ne va peut-être pas très loin, mais ce n’en est pas moins une belle petite fable sur la valeur des choses simples dans un monde qui semble les avoir négligées. On y retrouve Bruno et Andrée qui, dans un monde futur où la végétation est moribonde, renouent en quelque sorte avec le passé de l’humanité par un geste tout simple : ils goûtent à l’eau des derniers érables. « Un vent de panique » est l’histoire d’un adolescent qui, confronté à une situation où ses peurs les plus profondes se concrétisent, apprend à vaincre celles-ci et à faire confiance aux autres. Dans « Les Voyages imaginaires », la plus longue nouvelle du recueil, on fait la connaissance de Claudien. Ce jeune garçon de treize ans ne peut supporter que ses parents épient ses moindres faits et gestes à l’aide d’appareils sophistiqués qu’ils lui font arborer et emploie toute son imagination à tromper la vigilance de ses géniteurs, et aussi à fuir dans un univers chimérique dès qu’il en a l’occasion. Finalement, Claudien, coincé entre l’enfance et l’adolescence, découvre qu’il faut mériter la confiance plutôt que la défier.

Au cœur de ces nouvelles apparemment disjointes, un texte en particulier paraît jeter un pont entre l’imaginaire des jeunes et celui des adultes. De l’avis de l’auteur, « La Fourgonnette psychédélique » est aussi la plus fidèle au titre du recueil. Pascal, qui a fait une fugue, est conduit bien plus loin que dans un espace autre, mais, littéralement, dans un autre temps. Ainsi entraîné dans une aventure initiatique, c’est paradoxalement par une régression dans le passé, celui de ses parents, que le jeune Pascal apprendra à négocier avec son présent et son avenir.

« La Fourgonnette psychédélique », cependant, si l’on y regarde de près, ne fait que souligner de manière plus manifeste un trait récurrent dans chacune de ces nouvelles qui toutes, d’une certaine manière, permettent une circulation entre le monde des jeunes et celui des adultes. De l’univers familial de « Banshee », de « L’Icône de Kiev », des « Derniers Érables » et des « Voyages imaginaires » au petit monde vicinal de « Dans ses yeux une flamme » et d’« Un vent de panique », toutes ces nouvelles sont marquées par une communication entre les générations. En ce sens, les œuvres pour la jeunesse de Daniel Sernine se distinguent de celles de ses contemporains en ne se bornant pas à représenter des personnages de jeunes côtoyant à peine des adultes ineptes.

L’auteur révèle dans Petites Fugues en lettres mineures qu’il est également parmi ceux qui ne racontent pas des choses différentes aux jeunes et aux adultes, et guère davantage d’une manière qui ferait jeune. Ses récits demeurent simples et efficaces, ils vont à l’essentiel sans s’encombrer de fioritures, mais à aucun moment ils ne sont simplistes ou infantiles. À peine se contente-t-il de doter ses récits pour la jeunesse de figures d’adolescents, et ces adolescents croisent invariablement une figure d’adulte qui, souvent, leur sert de guide ou de modèle. On peut se prendre à souhaiter remonter le temps comme Pascal et lire ces récits en tant que jeunes lecteurs et lectrices, mais on constate aussi que, en tant qu’adulte, on y prend décidément plaisir. [SBé]

  • Source : L'ASFFQ 1997, Alire, p. 161-164.

Références

  • Marquis, Luce, Lurelu, vol. 21, n˚ 1, p. 29.