À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Ce midi, Simon avait la bague, mais il ne s’est pas résolu à faire sa demande à Isabelle. Elle l’a comme rebuté, comme statufié ; et pourquoi se demande-t-elle depuis quand n’a-t-on pas vu Jérôme ? Plus tard, Simon erre dans la ville tout en se remémorant des souvenirs d’enfance et en jonglant avec les possibilités qu’offre la vie. Sur une impulsion, il cherche la maison de Jérôme dont il croit connaître l’adresse. De fait, il la trouve, hantée de pièces vides, ce qui est surprenant puisque Jérôme disait qu’il était habité par ses décors, toujours renouvelés, bâtis de mille objets hétéroclites. Entendant des murmures à l’étage, Simon découvre l’artiste sur son lit, comme démembré, mais vivant, et dans l’autre pièce, des petits pots, des milliers de petits pots, qui s’approprient tout…
Le lendemain, au même restaurant, Simon demande Isabelle en mariage, qui accepte. Puis ils se demandent depuis quand n’ont-ils pas vu Jérôme…
Commentaires
Voilà un texte de fantastique moderne qui surprend par la beauté esthétique de certains de ses passages. De très belles phrases et réflexions sur la vie, sur l’art, sur l’identité, parsèment tout le texte. Hélas, pour je ne sais quelle raison, Denis Bélisle fait avancer son histoire par à-coups peu subtils, les blocs monolithiques s’enchaînant les uns aux autres de façon frustre. Le résultat d’ensemble est donc assez surprenant : « Les Petits Pots » s’avère une nouvelle qui déclenche une fascination indéniable, mais aussi un agacement de tous les instants !
Tout d’abord la fascination… Je l’ai dit, il y a des phrases superbes, de ce genre de réflexion à contre-courant qui ouvre des abîmes nouveaux dans l’art de contempler la réalité. Du genre : « Il est dangereux que l’œuvre soit tout. Parce qu’elle est dans le regard et que le regard est quelque chose de contagieux, un virus qui se répand comme la mode. C’est le pouvoir de la décoration que d’instruire un regard. » Ou encore certains passages sur la relation qu’on entretient avec nos souvenirs de jeunesse, et plus particulièrement certains objets fétiches, ou la description des états d’âme qui confinent certains dans ces plages d’introspection/indécision qui bloquent toute possibilité d’action.
Quant à l’agacement, il provient essentiellement de l’incapacité à bien enchaîner les séquences et à intégrer correctement l’information. Ce qui nous vaut des blocs aux longueurs douteuses où le lecteur est « gavé » d’infos qu’il ne peut acquérir autrement. Par exemple – et sans dévoiler le nœud de l’affaire –, après l’appropriation de Simon par les petits pots, on a droit à une longue séquence/monologue où Jérôme explique en long et en large les tenants et aboutissants de l’aberrante situation. Or, c’est tout à fait invraisemblable puisque, techniquement, il est seul – non, je ne dévoilerai rien ! Et s’il parle ainsi tout seul, n’est-ce pas avant tout pour le bénéfice du lecteur à-qui-il-faut-bien-faire-comprendre-ce-qui-s’est-passé ?
Ce problème structural de base est omniprésent dans « Les Petits Pots ». Il nuit considérablement au plaisir de lecture et rend le texte parfois pontifiant, parfois ennuyeux. De plus, il enlève toute chance à l’auteur de réussir à nous faire croire à son propos.
Malgré ces écueils, Denis Bélisle signe, avec « Les Petits Pots », une nouvelle qui a sa place dans Solaris, car elle annonce de belles potentialités pour les prochains textes. [JPw]
- Source : L'ASFFQ 1997, Alire, p. 18-19.