À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Frank Ouellette, un prospecteur d’or du Yukon, s’évade d’une prison située sur une île et tente de traverser à la nage pour gagner la ville en face. À mi-parcours, il aperçoit la chaloupe et le corps astral de Pit Gagnon, un prisonnier mort noyé il y a neuf ans en pareilles circonstances. Pour pouvoir monter dans son embarcation, Ouellette doit se dépouiller de son corps sur l’île. Arrivé sur l’autre rive, il veut récupérer son corps tout en se demandant s’il est mort. Ayant trouvé un ami pour le ramener sur l’île, Ouellette aperçoit les docteurs de la prison occupés à le réanimer.
Commentaires
« La Pire Guigne » souffre d’un grave problème au départ. Cyprien Leblond ne réussit pas à établir clairement la différence entre corps astral et fantôme, ce qui handicape l’ensemble du récit. Le corps astral est entendu ici comme un état intermédiaire entre la vie et la mort. C’est bien ce qui arrive à Frank Ouellette sur le point de se noyer – ce qui sera toutefois contredit plus loin, on y reviendra –, qui perd connaissance et que les docteurs réaniment après qu’il eût été repêché des eaux.
De son côté, Pit Gagnon prétend ne pas être un fantôme mais un corps astral. Il est pourtant réputé mort depuis neuf ans et ne peut logiquement survivre dans cet état intermédiaire pendant tout ce temps. La nouvelle comporte son lot de situations confuses et d’incohérences inexplicables. Quand il voit le vieux Gagnon sur l’eau, Ouellette affirme : « Je fus si surpris que je me suis assis dans l’eau, et avec quatre pouces de plus, je me noyais. » Il ne semble pas sur le point de se noyer, là. De plus, il est confiant, au moment de son évasion, de pouvoir rejoindre facilement l’autre rive à la nage. Pourquoi accepte-t-il l’aide de Gagnon s’il n’est pas sur le point de se noyer ? D’autant plus que tout de suite après, à l’injonction que lui adresse Gagnon de se délester de son corps (« Laisse ton corps dans les herbages là-bas. »), Ouellette retourne sur l’île puis revient.
L’idée du corps astral est intéressante en soi mais le récit se contredit tellement souvent que le lecteur décroche. L’épilogue laisse tout aussi pantois. Pit Gagnon est condamné à errer sur l’île car il a perdu sa chaloupe. Quand l’ami de Ouellette l’eût ramené sur l’île, Ti-Louis Ruel a déguerpi, emportant avec lui l’embarcation de Pit Gagnon qu’il avait remorquée.
Quelle étrange histoire, rendue encore plus bizarre par l’incapacité de l’auteur à maîtriser l’ordonnancement des événements ! [CJ]