À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Depuis que les êtres humains ont été remplacés par des robots, la Terre est devenue un endroit sévère et froid, où l’efficacité et la nécessité se sont substituées à la beauté et au rêve. D-1-66 entrevoit pourtant la renaissance de l’ancien monde depuis qu’une petite plume qu’il a rencontrée lui a fait découvrir l’amour, l’amitié et l’importance d’apprécier les plaisirs simples de la vie. L’esprit imbu de toutes ces nouvelles notions, D-1-66 adopte d’étranges comportements qui contaminent bientôt ses semblables. Tous les robots cessent de travailler et se mettent à contester l’ordre établi, si bien que ce vent de renouveau se répand sur la Terre tout entière.
Commentaires
Vous vous souvenez de ce que Renée Claude chantait à la fin des années 1960 : « C’est le début d’un temps nouveau / La Terre est à l’année zéro… » ? Cette nouvelle livre de façon à peine plus naïve le même message de fraternité et de renouveau cher aux années du flower power. Il s’agit d’un texte qui, à mon sens, vaut davantage comme document sociologique que pour son aspect littéraire. Il ne faut en effet pas trop demander à une utopie écrite par une adolescente de seize ans pour un concours de rédaction française. C’est surtout un texte dont l’esprit est beaucoup trop près de l’époque à laquelle il a été produit pour ne pas paraître complètement kitch aujourd’hui, même pour un jeune lecteur qui se formaliserait certainement de son petit côté « rose bonbon », tout plein de candeur et de bons sentiments.
Ne cherchez pas non plus de cohérence techno-scientifique dans cet univers où les robots, qui ont un cœur de chair et de sang, versent quelques larmes avant de se volatiliser, légers et heureux, dans le grand Tout cosmique. Les topoïs de la science-fiction sont utilisés dans un but didactique et servent à créer l’effet de distanciation requis pour que fonctionne la critique sociale. La nouvelle comporte d’ailleurs des scènes bucoliques dignes de l’époque du retour à la terre (« C’est ainsi que tous les robots devinrent cultivateurs pour quelque temps ; ce fut toute une expérience ! Cela sembla leur donner des instincts poétiques. Chacun faisait pousser son petit arbre ou sa petite “fleur-fleur”. Le jardin potager était devenu un jardin botanique. […] à la fin de la journée, les robots étaient tous assis effeuillant des marguerites, dans l’attente de leur récolte »).
En ce sens, la nouvelle est très caractéristique de la science-fiction écrite au Québec avant les années 1970 : il s’agit davantage d’attirer l’attention des lecteurs sur les travers de la société moderne (dans le cas de cette nouvelle, c’est le matérialisme de l’ère technicienne qui est remis en cause) que de raconter une « bonne » histoire ou de construire un univers fictif cohérent. Il faut donc voir ce texte comme une projection des craintes et des espoirs d’une jeune baby boomer qui puise son inspiration dans les promesses de renouveau social qu’offraient la culture hippie et la Révolution tranquille. [ID]
- Source : La Décennie charnière (1960-1969), Alire, p. 148-149.