À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Gyuri et Germain se sont donné rendez-vous à la résidence de George où ils découvrent celui-ci pendu au lustre de sa chambre. Après la cérémonie d’incinération de leur ami, ils s’arrêtent à une terrasse de café et trinquent à la santé du défunt. Après plusieurs consommations, Gyuri, éméché, a à peine le temps de se lever qu’il est happé mortellement par une automobile. Germain rentre ensuite chez lui où il met le point final à son manuscrit.
Commentaires
« La Plume qui tue » concrétise finalement le potentiel fantastique des deux premières nouvelles du recueil, « L’Œil » et « La Visite à l’hôpital », alors que le début de la nouvelle laissait présager un thriller existentiel. Mais l’auteur aime bien déjouer nos attentes. George et Gyuri apparaissent comme des personnages créés de toutes pièces par Germain – ils représentent deux facettes différentes de sa personnalité – qui décide de s’en débarrasser.
Cette nouvelle constitue une réflexion sur l’acte d’écrire et boucle un recueil dans lequel les mécanismes de la création (littéraire et picturale) sont mis à nu pour mieux nous mystifier par la suite. « La Plume qui tue » jette aussi un éclairage nouveau sur les récits précédents dans lesquels George, Gyuri et Germain apparaissaient sous les mêmes traits physiques, mais dans des univers fictifs différents.
Contrairement à certains auteurs dont la réflexion sur la création littéraire et la propension à l’intertextualité ont donné lieu à des œuvres intellectualisantes et sèches, Robert Gurik aborde la pratique de l’écriture avec une verve jubilatoire. La scène au cours de laquelle le sergent Rancourt et la jeune recrue Claudine font les constatations d’usage à la résidence de George mériterait, en raison de son humour savoureux, de figurer dans une anthologie du comique.
Considérée isolément, la nouvelle de Gurik est sans doute intéressante mais elle ne prend sa véritable dimension que dans le contexte élargi du recueil. L’art reflète la vie, certes, mais comme celle-ci souffre d’un appauvrissement de sens, l’auteur ne peut que déplorer le triomphe de la médiocrité symbolisée ironiquement par le mouvement pictural du « One track school ». Il constate que Germain était « le moins créateur des trois, mais le plus ambitieux et le mieux organisé. Il était donc normal qu’il ramasse toutes les billes. On était dans l’ère des intermédiaires, des gestionnaires, des organisateurs, des non-productifs, des “boss de bécosses”. »
Discours décapant et rafraîchissant que celui de Robert Gurik. [CJ]
- Source : L'ASFFQ 1991, Le Passeur, p. 91.