À propos de cette édition

Éditeur
Le Passeur / Logiques
Titre et numéro de la collection
L'ASFFQ
Genre
Science-fiction
Sous-genre
Créature
Longueur
Nouvelle
Paru dans
L'Année 1990 de la science-fiction et du fantastique québécois
Pagination
221-227
Lieu
Sainte-Foy
Année de parution
1993
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Le Point Cassère est un petit grain opaque mais loquace vivant à l’intérieur d’une bouteille de rhum dans un appartement de la rue Lafontaine, à Montréal. Pourvu du don d’ubiquité, il réside aussi à Hull, à Longueuil et à Chicoutimi où il se manifeste différemment. Ainsi, à Chicoutimi, le Point Cassère est vendu en bocal et ses capacités semblent illimitées. Le narrateur et ses amis en achètent un, qui semble défectueux. Après s’être fait échanger son Point Cassère, le narrateur revenu à Montréal va se coucher. Son téléviseur s’allume tout seul et l’écran lui procure une expérience tactile fort plaisante, qui se répétera. Le narrateur et ses amis louent un grand local et commencent à recruter d’autres amateurs. Un jour, conclut-il, tous les peuples de la Terre vivront dans la même chambre avec le Point Cassère.

Commentaires

 

Il est difficile de résumer ce texte : tout est dans les détails et les quelques dialogues et, somme toute, de façon assez explicite pour que le commentateur se retrouve aussi en danger de paraphrase. Version très amplifiée d’un texte publié dans Le Courrier SF 3 en 1988 et CSF 7 en 1989, cette nouvelle prend ici toute sa dimension et confirme l’importance de la voix unique – et trop rare – de Michel Lamontagne.

S’agit-il de SF, de fantastique, de fantaisie – et je ne veux pas vraiment dire ici fantasy ? Libre au lecteur d’en décider : le Point Cassère, avec ses manifestations surréalistes, peut être aussi bien un extraterrestre qu’une créature de Faërie plutôt tordue… ou une version ironique de l’Extraterrestre suprême, c’est-à-dire Dieu. Ce dont il s’agit ici, apparemment, c’est surtout du mystère – comme le dit le Point Cassère lui-même. Macrocosme dans le microcosme que ce Point : on retrouve ici clairement cette dimension de la spiritualité, ce sens des dimensions cachées du monde, qui a été perceptible dans l’œuvre de Lamontagne dès sa première nouvelle, « Hypercruise », ainsi que dans celles qui l’ont suivie – comme d’ailleurs dans son œuvre de critique.

L’autre trait qui se révèle également de façon heureuse ici, c’est l’humour de Lamontagne, un humour quasiment zen qui ne s’encombre pas d’explications superflues et vole à travers tout le texte, le déguisant même en texte à clés (Lamontagne a habité à l’adresse indiquée à Montréal ; des intervenants notables du milieu de la SFQ habitent dans les autres villes citées), humour léger mais incisif, ouvrant comme en se jouant des perspectives à la fois vertigineuses et curieusement rassurantes : le Point Cassère ne sait pas tout, ne peut pas tout, et s’il peut être tout, il choisit des manifestations bien modestes.

Inquiétants et rassurants aussi, son besoin des êtres humains pour les contingences matérielles, ses pouvoirs, sa voix désincarnée, son amabilité, ses expériences électrifiantes, bref, ses contradictions constantes – qui seules garantissent en quelque sorte son caractère surnaturel et, je dirai, sa divinité. Une divinité certes point très orthodoxe, plus proche du Coyote tricheur des Amérindiens que du grand-père à barbe fleurie – mais n’est-ce pas là une meilleure image de l’univers lui-même ? Car en définitive, c’est peut-être de l’univers qu’il s’agit ici, d’un cosmos personnalisé, dans ses relations déconcertantes, merveilleuses et effrayantes avec l’être humain.

Lamontagne, grand lecteur éclectique, est sûrement bien conscient des autres Points littéraires qui viennent tenir compagnie à son Point Cassère dans notre imaginaire nourri de Borgès (« L’Aleph », où à un certain endroit d’une cave on peut voir l’univers tout entier) ou de Breton (l’un des Manifestes parle du point Oméga où toutes les contradictions se résolvent). Entre l’alpha et l’oméga, c’est là que se situe, indéniablement, le Point Cassère, et Hull, Chicoutimi, Longueuil ou Montréal ne sont jamais que les points permettant, enfin, la quadrature du cercle. [ÉV]

  • Source : L'ASFFQ 1993, Alire, p. 109-110.