À propos de cette édition

Éditeur
Solaris
Genre
Science-fiction
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Solaris 109
Pagination
5-6
Lieu
Ville-Marie
Année de parution
1994
Support
Papier

Résumé/Sommaire

André, un citoyen anonyme d’une ville tout aussi anonyme, se prépare à vivre son Jour de Solitude. Celui-ci est attendu par tous avec impatience et espoir, car il permet à chaque individu d’échapper pendant douze heures au bruit, à la surpopulation, à la pollution et à la souffrance de partager en permanence son espace vital avec le reste du monde. André est conduit au Lieu du Silence par les officiers du Jour de Solitude : dans cette oasis de verdure et de liberté illusoire où le silence est total, il est libre de passer son temps comme il le désire, sous la surveillance discrète des Gardiens.

À la nuit tombée, il sort le matériel qu’il a emmené afin de réaliser son rêve le plus fou : communier avec les Étoiles, les observer dans un ciel pur qu’il n’a jamais connu auparavant. Mais son rêve est écourté par les Gardiens qui viennent le chercher au bout des douze heures réglementaires.

Commentaires

Dans cette nouvelle, notre monde est arrivé à ce que l’Homme craint le plus : les villes sont surpeuplées et polluées, l’air semble empli d’une suie noire et grasse. La population souffre de la promiscuité insupportable et du plus insidieux de ses ennemis : le bruit. Le gouvernement semble avoir trouvé une solution pour inciter la population à supporter patiemment son calvaire : chaque individu a le droit à un Jour de Solitude. L’auteur ne précise pas si cela se produit une ou plusieurs fois dans sa vie. Cependant, on devine que ce moment est unique tant il revêt une importance capitale aux yeux du personnage.

Si l’on considère uniquement les événements décrits dans la nouvelle, ceux-ci n’ont que peu d’importance, car il s’agit d’un court moment dans la vie d’un citoyen lambda, qui retourne ensuite à l’anonymat et au chaos. Les douze heures de répit qui lui sont accordées n’auront aucun impact sur la société dans laquelle il vit. Par ailleurs, le postulat de base de l’histoire n’a rien d’original : l’auteur prend comme toile de fond une réalité omniprésente dans bien des romans futuristes où l’humanité a détruit son environnement, se rendant ainsi prisonnière de celle-ci.

Malgré une base plutôt classique, cette nouvelle est intéressante du fait de la forme d’écriture utilisée. Rien n’est vraiment décrit. Tout est suggéré par les pensées et les sentiments du personnage principal, élément prétexte qui permet à l’auteur d’exprimer un certain nombre d’idées. Bien sûr, on y trouve le désir de l’humain de donner un sens à la vie, aussi absurde soit-elle. On y trouve également l’indifférence vécue par chacun dans une société qui s’est voulue « de communication » ; une forme de solitude paradoxale dans un enfer grouillant d’hommes et de femmes brisés. On effleure le côté fataliste de l’Homme qui a abandonné son sort entre les mains d’un gouvernement probablement totalitaire, et son aptitude à se laisser briser. La désagrégation de son âme est programmée.

L’auteur a une écriture sobre, dont l’intensité poétique est très travaillée ; elle est également forte d’une maturité étonnante chez un auteur de dix-neuf ans dont c’était le premier texte publié. On est ici à la frontière entre la nouvelle de science-fiction existentielle et le conte lugubre au funeste présage. [PR]

  • Source : L'ASFFQ 1994, Alire, p. 62-63.