À propos de cette édition

Éditeur
Le Journal de Françoise
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Le Journal de Françoise, vol. III, n˚ 12
Pagination
490-491
Lieu
Montréal
Date de parution
17 septembre 1904

Résumé/Sommaire

« Au commencement, les hommes ne mouraient pas. » Rendus vieux, ils changeaient de peau comme les serpents en plongeant dans le fleuve sacré et retrouvaient leur jeunesse. Jadis belle et jeune, Daoudaï accuse le poids des ans. Le temps de la régénérescence étant venu, elle embrasse son jeune fils d’une dizaine d’années et se rend au fleuve. À son retour, l’enfant ne la reconnaît pas et la fuit. Alors elle retourne dans l’eau et endosse sa vieille dépouille. Depuis, les hommes ont commencé à mourir.

Commentaires

« Pourquoi l’on meurt » est un texte foncièrement original dans la production de la première moitié du XXe siècle, une vraie perle littéraire. Le propos, simple mais combien touchant, dégage une sagesse qui nous invite à accepter notre condition de mortel. À la fin, Daoudaï, « résignée, rentra dans sa dépouille de ruine et de misère, ensevelissant à jamais sa jeunesse et sa beauté dans ce noir linceul ». Et pourtant, cette conclusion n’est pas triste car la vielle femme retrouve du coup l’amour de son fils.

L’art de l’auteure réside dans sa capacité à susciter l’émotion à partir de métaphores fortes et singulières. Cette idée de se défaire de sa vieille peau comme d’un vêtement, de régénérer son corps en se baignant dans le fleuve sacré – une réinterprétation du baptême sans connotation religieuse ici –, tout contribue à faire de cet hymne à la vie une réussite exceptionnelle.

Sous-titrée « légende papoue », l’histoire est campée en Nouvelle-Guinée. Sans tomber dans l’exotisme de pacotille, l’écriture de Marjolaine évoque avec raffinement et sensibilité l’environnement et la nature dans lesquels vit Daoudaï. En parlant des cases de son village : « […] les toits de bambou, en forme de bateaux renversés, semblaient une flottille aérienne séchant ses flancs au soleil des tropiques. »

En comparant les processus de vieillissement de l’humain aux mues successives du serpent et à la métamorphose de la chrysalide, l’auteure inscrit l’espèce humaine, non pas au cœur de la création, mais dans l’histoire naturelle des espèces en lui redonnant, paradoxalement, son humanité.

Cette légende papoue si séduisante est-elle le fruit de l’imagination de Marjolaine ou une authentique légende tirée de la culture orale de la Nouvelle-Guinée ? Quoi qu’il en soit, elle mérite d’être connue. [CJ]