À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
L’équipage du Dauphin fonce loin au nord, jusqu’au royaume inhumainement froid du mélancolique et quasi éternel prince des Glaces, afin d’obtenir l’aide de ce dernier. C’est que lui seul aurait le pouvoir de délivrer la jeune Sinnomin des enchantements du perfide Mélanor, magicien dont la puissance se nourrit de la souffrance qu’il inflige aux autres. Mais le prince est un pacifique ; aussi ne devrait-il pas refuser son secours.
En parallèle, l’équipage du Dauphin doit mener à bien une autre tâche, décisive celle-là : se débarrasser une fois pour toutes de Mélanor, qui a lancé sur le navire des malédictions dont la virulence a heureusement pu être atténuée grâce aux enchantements du mage Ambrosius. Mais avant que la mer ne devienne le théâtre d’une lutte à finir entre les forces du Bien et du Mal nous seront faites diverses révélations, dont la véritable identité de Sinnomin et de cet homme quelque peu inquiétant surnommé « Le Mort » ainsi que l’origine de la méchanceté de Mélanor. Or il se trouve que ces trois individus sont liés plus étroitement qu’on aurait pu le croire…
Commentaires
Avec Le Prince des Glaces prennent fin les voyages du Dauphin et les aventures de son équipage. Malgré la présence de ses quelque sept cents sœurs (!), il est bien seul, ce prince morose au visage d’une « beauté douloureuse » qu’on ne peut qualifier d’être humain, même s’il en a l’apparence. Et son austère domaine, dernier vestige d’une lointaine ère glaciaire, est bien froid, trop froid, en fait, pour qu’y survivent des humains sans le recours à la magie. Aussi, après un bal donné en leur honneur, nos amis repartiront sur les mers, pour leur ultime rendez-vous avec Mélanor.
Le séjour au royaume du Prince des Glaces, qui se termine vers le deuxième tiers du récit, permet à Meynard de faire preuve d’une certaine inventivité. Dans l’ensemble, toutefois, le récit convainc plus ou moins. Il n’est que d’évoquer les révélations sur le passé de Mélanor, tellement psychologisantes qu’elles en deviennent caricaturales. Celui que d’aucuns appellent « l’Homme » n’est pas né mauvais, il l’est devenu après avoir assisté, enfant, à la noyade accidentelle de sa mère. Depuis, il est « terrifié par les femmes » et « a peur de l’eau ». Adulte, il va d’île en île, exécutant les hommes et noyant les femmes de façon sacrificielle afin de donner à la mer (et mère ?) une sorte de dû. Et c’est ainsi que pour son plus grand malheur, Le Mort, qui se nomme en réalité Klao, croisera les pas du sorcier meurtrier.
Klao, fils de la troisième épouse du chef, vivait alors sur une petite île paisible peuplée de cent vingt-cinq personnes à peine. Lui et sa femme Panit avaient une fille nommée Finuvi. Puis vint Mélanor. Mais au lieu de tuer Klao, il le condamna à ne jamais mourir, et épargna Finuvi parce que celle-ci était enceinte et qu’il voulait s’approprier l’enfant. Enfant qui n’est nulle autre que Sinnomin…
Tout cela, on l’apprendra de la bouche du Mort après qu’il eût miraculeusement recouvré la mémoire. Le puzzle étant reconstitué, le combat ultime entre les deux mages peut avoir lieu. Ici entre en scène Spartaigne, l’ancien capitaine du Dauphin. Il était révélé dans Le Vaisseau des tempêtes que Spartaigne était un automate mis au point par Ambrosius, que ledit automate devenait l’hôte du « schadahir » (un joyau maléfique) créé par Mélanor afin de faire souffrir Sinnomin, et qu’il était dès lors au service du sorcier. Mais cette réapparition soudaine se justifie mal tant est ténu le rôle joué dans la bataille par l’automate, et est par surcroît annoncée de façon extrêmement maladroite. « […] Mélanor perçut une troisième puissance sur le plan des symboles », lira-t-on en effet.
« Sur le plan des symboles » est d’ailleurs une expression que Meynard semble affectionner, mais qu’il utilise généralement à mauvais escient. Ainsi : « Sur le plan des symboles, le corps du schadahir se contorsionna, émit une plainte étouffée. » (On note ici l’amalgame, confondant, de l’objet schadahir et de son hôte.) Ou encore : « Dans le monde réel, le joyau n’avait presque aucun pouvoir par lui-même. Il n’avait rien de significatif à contribuer à une attaque contre Ambrosius. Mais sur le plan des symboles, ce n’était pas du tout la même chose. » En plus de souffrir d’un style malhabile, ces deux passages, où l’auteur introduit un commentaire extradiégétique dans la fiction, témoignent d’un mélange de genres peu heureux ; on remarquait du reste une tendance similaire dans Le Vaisseau des tempêtes.
Et dans l’ensemble, on aurait souhaité un travail éditorial plus rigoureux, qui aurait pu éviter au lecteur des phrases comme celles-ci : « Mais, éventuellement, les forces finirent par lui manquer », « Mélanor projeta au visage d’Ambrosius un bouillonnement de forces », « La terreur assujettit pleinement son emprise sur lui », et autres incongruités. À la psychologisation outrancière déjà évoquée s’ajoutent ainsi des lourdeurs et des maladresses stylistiques, et tout cela fait du Prince des Glaces une fiction bancale. Se terminant ici, la série « Les Voyages du Dauphin », qui n’avait pas très bien commencé, doit donc être qualifiée plutôt de diptyque. On aurait envie de dire que ceci explique cela. [FB]
- Source : L'ASFFQ 1996, Alire, p. 146-147.
Références
- Chartrand, Sébastien, Lurelu, vol. 46, n˚ 2, p. 81-82.
- Isabelle, Pat, Brins d'éternité 4, p. 41.
- Martin, Christian, Temps Tôt 44, p. 54.
- Mercier, Claude, Proxima 2/3, p. 108-109.
- Saint-Jacques, Fabien, Lurelu, vol. 20, n˚ 1, p. 30-31.