À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Yyr le magicien se meurt, atteint d’un mal que même sa magie ne peut guérir. Une vision lui fera apparaître le visage d’une princesse d’une grande beauté, retenue prisonnière d’un puissant magicien rival. Seule cette princesse viendra à bout de sa maladie, il le sait. En une nuit, Yyr crée un navire d’os et de cuir et se lance à l’assaut de l’océan, vers le château ennemi, pour libérer sa bien-aimée. Les deux magiciens s’affrontent en un combat terrible. Yyr délivre la princesse pour s’apercevoir que tout – maladie, princesse, ennemi – avait été créé par lui-même…
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Sacré Yves Meynard ! Il publie dans CSF un texte dont aucune revue ou anthologie professionnelle de SFQ n’aurait à rougir. Ce qui démontre, premièrement, que Meynard n’est pas snob, et, deuxièmement, qu’il faudra vous abonner sans tarder au magazine d’Eddy Szczerbinski, sinon d’autres textes du calibre de « La Princesse en son château » risquent de vous passer sous le nez !
Ce texte a été publié dans le spécial Fantastique épique de CSF. Curieux texte : difficile de décider s’il s’agit d’un pastiche ou d’un texte “sérieux”. Si c’est un pastiche, c’est un pastiche brillant : Meynard s’en donne à cœur joie, exploitant sans retenue tous les stéréotypes du genre. Des stéréotypes, je précise bien, pas des clichés. Meynard a trop de talent pour nous servir une pantalonnade facile, style Conard, le barbant. Certains passages sont si bien écrits, certaines trouvailles si saisissantes, qu’on en vient à se demander si, au départ, l’intention de Meynard n’était pas effectivement sérieuse.
Si c’est le cas, alors la finale me pose un problème : Yyr, découvrant que toute cette histoire de princesse et d’ennemi est sa propre création, rejette violemment cette magie dont il est maître, pour vivre dans « une magie qui est celle de la simple existence », c’est-à-dire la « vraie » vie. Étrange retournement, qui m’a laissé perplexe. J’avais trouvé que les parallèles entre la magie d’Yyr et le travail de création artistique étaient pourtant assez évidents. Yyr, tourmenté par sa magie, c’est l’artiste tourmenté par sa création. Le rejet total de la magie, pour Yyr, c’est comme le rejet total de la création pour l’artiste. Curieux message que semble nous livrer l’auteur : était-il la proie d’un questionnement sur sa propre écriture au moment de la rédaction de sa nouvelle ?
Pour ma part, je préfère, à l’attitude extrémiste d’Yyr, l’attitude plus sereine des magiciens dépeints par Jack Vance, auteur dont l’esthétisme a pourtant influencé Meynard dans ce texte. Pour Vance, si la magie est une création humaine, c’est donc une création qui souffre des forces et des faiblesses, des grandeurs et des ridicules des humains. Les magiciens de Vance restent circonspects face à la magie, mais ne la craignent pas dans sa totalité. Ce que Yyr n’a pas compris, c’est que comme toute connaissance, la magie n’est ni bonne ni mauvaise, elle vaut ce que l’homme en fait.
Dernier détail : attention aux tournures de phrases calquées de l’anglais. Elles me sont apparues plus nombreuses que d’habitude dans l’écriture de Meynard. C’est un travers qui nous afflige tous à force de lire en anglais. Soyons vigilants ! [JC]
- Source : L'ASFFQ 1990, Le Passeur, p. 134-135.