À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Ted Orlang dirige une équipe d’archéologues qui effectue des fouilles sur le site du célèbre Sphynx. Mais une étrange silhouette auréolée de bleu hante l’extérieur du monument. Ce fantôme carbonise l’archéologue au moment où celui-ci tentait de le capturer, ce qui déclenchera l’enquête de l’inspecteur Zachire et attirera en Égypte un vieil ami de Ted : l’illusionniste Daniel Rixes.
À son arrivée, Dan est cependant mal accueilli par l’inspecteur ainsi que par le groupe de scientifiques. Tous se demandent, en effet, ce que cet aventurier pourrait bien découvrir de plus que la police et la science réunies.
Dan apprend que les archéologues ignorent ce que son ami cherchait exactement aux alentours du Sphynx. Une piste s’offre enfin à lui lorsqu’il se met à compulser les notes laissées par Ted et qu’il tombe sur un document couvert de hiéroglyphes. Plus tard, il voit lui aussi le fantôme bleu et, les nuits suivantes, de curieux messages semblent lui être envoyés par voie télépathique.
Tout cela l’incite à demander aux autres de continuer les fouilles interrompues depuis la mort de Ted. C’est ainsi qu’on découvrira, enfouie dans le sable, une pyramide possédant les mêmes proportions que la pyramide de Chéops. L’exploration de cette pyramide, véritable labyrinthe truffé de pièges et d’impasses, amène le groupe jusqu’à un sarcophage ayant servi de sépulture à un géant. Celui-ci, loin d’être mort, communique même avec Dan à l’insu des archéologues. Le héros apprendra que son mystérieux interlocuteur est le représentant des anciens Atlantes. Dan Rixes a d’ailleurs été choisi pour devenir l’agent de cette race supérieure et le gardien privilégié de leurs connaissances.
Commentaires
La Pyramide de l’immatériel, c’est l’épisode n˚ 1 d’une nouvelle série mettant en vedette le premier héros rosicrucien de la littérature québécoise pour la jeunesse.
Mettons que ça nous manquait. Voilà, du moins, ce que pensaient sans doute l’écrivain Alain Marillac et/ou les éditions Hurtubise HMH en décidant de nous livrer les aventures de Dan Rixes. Deux futurs épisodes sont déjà annoncés : OVNI à Matane et La Nuit des Hougan. Quant au premier, il aurait pu tout aussi bien s’intituler : « Comment Dan Rixes est devenu l’agent des Atlantes ».
La couverture nous donnait déjà une piste. Une rose (symbole rosicrucien non officiel), blanche sur fond gris, apparaît en haut à gauche comme étiquette pour identifier la série. Juste à côté, le nom du héros est imprimé en lettres blanches, sauf le X qui est gris. Tu mets la rose et le X ensemble, et ça signifie Rose-Croix. En outre, la quatrième de couverture nous jette au visage le dessin d’une rose suspendue à une chaîne croisée. Cette illustration est reprise à l’intérieur. “L’important, c’est la rose, crois-moi.” Bon. Disons que ça nous manquait.
Le texte lui-même fait référence à des idées ou à des préceptes d’inspiration rosicrucienne, comme ce leitmotiv en trois mots : « vie, santé, force ». Le discours tenu par le mystérieux interlocuteur de Dan Rixes, vers la fin, où il est question de l’Atlantide, d’« êtres inférieurs » et « primaires » (c’est nous, ça), de « protection de la connaissance », des bonnes et des mauvaises « vibrations », de la maîtrise de son propre « mental », etc., tout ce prêchi-prêcha ne va pas sans nous rappeler un petit quelque chose qu’on avait déjà entendu quelque part. Mais c’est toujours bon de se faire répéter les grandes vérités de la vie.
Si l’on met de côté cet aspect peu littéraire, que reste-il du livre d’Alain Marillac ? Eh bien, je serais presque tenté de dire : un bon roman, ma foi ! J’ai bien dit : bon. D’autres pourraient dire plutôt : un roman de qualité moyenne. Ce qui revient au même, à mon avis.
Outre certains côtés agaçants, comme ces poncifs reliés au stéréotype du héros masculin (le fameux "sixième sens" qui aide à surmonter tant de dangers, le parfait contrôle de soi, le physique d’athlète, le charme irrésistible [«Vous êtes magnifique, lui dit-elle »], la légère misogynie, etc.), nous avons affaire à un texte très bien écrit (clair, simple et vivant, mis à part deux ou trois phrases mal foutues), bien construit et bien documenté (sur la réalité sociale de l’Égypte actuelle, sur les techniques utilisées en archéologie, sur les pyramides, etc.).
D’entrée de jeu, le lecteur est propulsé dans l’univers des récits d’aventures traditionnels, représentés par les Bob Morane, Doc Savage, Tintin et, bien sûr, Indiana Jones qui résume aujourd’hui tous ses prédécesseurs. Dès les premières pages, on se croirait en plein Raiders of the Lost Ark ou dans la somptueuse BD d’Edgar-Pierre Jacobs intitulée Le Mystère de la Grande Pyramide.
En cette période où domine, dans la littérature jeunesse québécoise, ce que certains appellent "réalisme social", d’autres "néopédagogisme", il est rafraîchissant d’ouvrir un livre et d’y retrouver le climat exotique qui a enchanté des générations de lecteurs depuis Jules Verne. Manuscrits chiffrés, passages secrets, souterrains, découvertes étonnantes, mystère, tous ces éléments sont au rendez-vous dans La Pyramide de l’immatériel.
Par contre, le héros d’Alain Marillac s’avère flou à force de manquer d’originalité. À la fois Québécois et Français, Dan Rixes vit à Paris dans un appartement bourré de livres, de statuettes et d’autres souvenirs de voyages (comme le héros d’Henri Vernes, qui aurait toutefois réussi son virage technologique). Il cultive son corps et son esprit à la manière du Doc Savage de Kenneth Robeson – dont il a aussi le regard hypnotique. Et, enfin, il pratique le métier d’illusionniste à l’instar de Mandrake le magicien, le personnage de Lee Falk. On se demande d’ailleurs pourquoi l’auteur a choisi de donner ce métier à son héros, puisque magie et illusionnisme ne lui servent absolument pas dans cette histoire. Peut-être dans les prochaines ?
Bien écrit, donc, ce roman. Un défaut pourtant : l’intrigue s’y déroule avec une navrante lenteur. C’est sans véritables rebondissements que l’action progresse à travers une multitude de détails, de descriptions et d’épisodes secondaires. On se trouve donc davantage devant le récit de découvertes archéologiques (fictives, bien sûr) que devant un roman d’aventures typique.
Dois-je être plus explicite et terminer en disant que ce livre m’a déçu ? En 1989, pourquoi faut-il qu’un roman d’imagination pour la jeunesse serve à véhiculer de pareilles conneries parapsychologiques et une telle propagande ésotéricognangnan ? En acceptant de devenir l’agent des Atlantes, le héros d’Alain Marillac cède instantanément son libre arbitre. Par la même occasion, il se désolidarise totalement de l’espèce « inférieure » à laquelle il appartient. Cette espèce inférieure, c’est pourtant nous, rien que nous et je trouve que c’est beaucoup. Dans la difficile lutte qu’elle mène pour évoluer et survivre malgré sa fragilité, cette espèce qui est la nôtre n’a rien à attendre de sauveurs illusoires, qu’il s’agisse d’Atlantes, d’extraterrestres ou de nazis. [DC]
- Source : L'ASFFQ 1989, Le Passeur, p. 1026-128.