À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Il est seul dans le coin de pays qu’il a choisi, sur la Côte-Nord. Il aime la mer, il aime sa vie solitaire, il aime aussi accueillir les visiteurs de passage. Ceux-là aussi, descendus de leur étrange bateau volant, il aimerait bien les connaître. Mais les arrivants parlent une autre langue et commencent par l’ignorer. Puis, les étranges visiteurs et leur chef le rudoient et prennent possession de la terre où il vit, le laissant finalement nu sur le sable… Le sale type et ses hommes cherchaient des bonsaïs, il a compris maintenant ; ils vont sûrement revenir et prendre sur la côte d’autres arbres rabougris, sculptés par le vent, qui n’appartiennent qu’à la terre…
Commentaires
Des Japonais d’un autre âge venus chercher des bonsaïs sur la Côte-Nord, un pas tout à fait autochtone québécois qui voudrait se lier d’amitié avec les nouveaux venus, des problèmes de communication sérieux : tous les ingrédients étaient en place pour une rencontre originale ! Jean Désy, il me semble, a préféré évoquer, sans jamais la nommer toutefois, la situation des Amérindiens et/ou celle des Québécois. Son allégorie, un peu lourde, dérange. Que représente, au juste, ce narrateur (dont l’auteur semble si peu se démarquer), naïf et émouvant parfois, mais également par trop simpliste ?
Pour ma part, même s’il s’agit de la vision d’un personnage ou de l’interprétation par l’auteur d’une situation réelle, je n’aime pas beaucoup le portrait monolithique du « sale type » et de sa bande d’envahisseurs féroces, pas plus que celui du gentil autochtone (pas tout à fait autochtone, d’ailleurs) spolié sans qu’il sache pourquoi par le méchant étranger. Je préférerais qu’en nos temps modernes ou postmodernes, un auteur de fiction puisse représenter autrement la rencontre avec l’Autre, ou tout au moins se distance plus clairement de la perception de ses personnages. Jean Désy nous montre sans nuance aucune une sorte de choc des mondes avec un vainqueur, un vaincu, un bon, des brutes, incapables de s’entendre dans tous les sens du terme. Les faux bonsaïs eux-mêmes peuvent être vus comme la représentation de perceptions inconciliables. Jean Désy voulait-il nous parler des méfaits de l’incommunicabilité ?
Quels que soient les sens possibles de sa nouvelle, Jean Désy nous offre avec « Rencontre avec un sale type » quelques très belles pages. D’une lumineuse poésie, le début du récit s’ouvre sur la solitude et la mer ; utilisé avec simplicité par le narrateur, le vocabulaire maritime spécialisé ajoute une note d’étrangeté intéressante au texte. Surtout, Jean Désy, avec beaucoup de chaleur et une certaine force, arrive à nous faire saisir chez son personnage le sentiment premier d’un « homme d’ici », celui d’accueillir l’étranger et de lui faire fête, et puis son désarroi, sa révolte impuissante, sa douleur face à la dépossession, à l’envahissement.
Nouvelle qui agace et dérange, touche aussi, « Rencontre avec un sale type » nous offre l’occasion d’une double interrogation fort pertinente : celle qui concerne nos relations à l’Autre, celle qui concerne les représentations que l’écrivain contemporain peut en donner. [HC]
- Source : L'ASFFQ 1992, Alire, p. 68-69.