À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Coril a atteint l’âge où il lui faut quitter la ferme natale de Roc-Mort pour aller faire l’apprentissage d’un métier dans une autre ferme. Accompagnée d’Algir, la coursière qui lui sert de guide, elle doit traverser le désert pour se rendre à Vilmar. Elles y trouvent les habitants enfermés dans leurs abris souterrains, terrorisés par la visite d’étrangers à bord d’un engin volant.
Alors que Coril et Algir retournent prévenir les gens de Roc-Mort, elles font la rencontre de ces visiteurs qui se montrent pacifiques. Ils prétendent avoir été envoyés en mission par les autorités de la ville de Valdor pour découvrir les gens de l’eau qui, croit-on, détourneraient une partie de l’eau qui alimente la ville. Ils réussissent à convaincre les fermiers de Roc-Mort de leur permettre d’emprunter le conduit souterrain qui achemine l’eau afin de remonter jusqu’à la source et d’identifier le problème.
Coril et Algir accompagnent les quatre citadins dans leur expédition périlleuse. Après plusieurs jours d’un trajet marqué d’embûches et assombri par la mort d’un des jeunes citadins, le groupe revient à la surface, en plein désert. Il suit pendant des jours un large sillon, qui semble avoir été creusé dans le sable par la main de l’homme, jusqu’à une haute montagne. Après l’avoir escaladée, Coril et ses compagnons découvrent sur l’autre versant une vallée verdoyante habitée et cultivée par des citadins qui avaient quitté Valdor après avoir entendu parler de cet endroit édénique.
Isadori et Danel y retrouvent un ami et expliquent à Coril et Algir le véritable but de leur quête. Cependant, cette vallée, si merveilleuse soit-elle, ne convient pas à Coril. Elle a été élevée dans le désert et elle veut suivre les traces d’Algir, devenir coursière, même si sa mère voit la chose d’un mauvais œil. Coril est à l’heure des choix.
Commentaires
Francine Pelletier reprend, dans Le Rendez-vous du désert, le personnage d’Algir qu’elle avait développé dans une de ses premières nouvelles, « La Traversée d’Algir ». Elle lui donne plus d’ampleur et lui attribue un rôle d’initiateur, de guide spirituel, mais le véritable personnage principal est Coril, une adolescente de presque quinze ans à laquelle le jeune lecteur s’identifiera spontanément.
En effet, la jeune fille est à la croisée des chemins et doit prendre en main son avenir. La traversée du désert acquiert une signification symbolique puisqu’elle représente en quelque sorte un voyage initiatique vers l’autonomie. Ce n’est pas un thème neuf en science-fiction pour jeunes, le genre se prêtant particulièrement bien à ce type de récit allégorique misant sur l’exotisme et le dépaysement.
Faute d’originalité dans le sujet, c’est du côté des détails qu’il faut chercher l’intérêt du récit. Il y a d’abord la présence du désert que l’auteure sait rendre avec force et de façon attachante. Algir et Coril aiment le désert et je dirais que cela transpire (excusez le jeu de mots !) dans la narration. Par le fait même, le roman de Francine Pelletier présente la particularité, non pas d’opposer l’eau au désert, ce qui va de soi, mais de préférer le second à la première. Il n’est que de considérer la deuxième partie qui se déroule dans le conduit souterrain pour remarquer à quel point l’eau peut être dangereuse et mortelle. Le petit Jen meurt noyé tandis qu’Algir est victime d’une fièvre qui aurait pu être fatale après avoir été mordue par des petits serpents d’eau. Cette singularité du point de vue, qui présente aux jeunes les choses sous un angle nouveau dans un renversement de valeurs inhabituel, mérite d’être signalée.
Un autre détail concerne le métier que Coril veut exercer, un métier difficile et peu courant. Être coursière, c’est faire la liaison des diverses fermes éparpillées dans le désert et rapporter les dernières nouvelles recueillies sur sa route. Pour cette société désorganisée depuis le Changement, être coursière signifie assumer le rôle de conteur oral, transposition claire du métier d’écrivain que Francine Pelletier a choisi d’embrasser. Car dans ce roman comme dans plusieurs autres textes de l’auteure, on sent que le personnage principal représente Francine Pelletier elle-même, avec ses doutes, ses hésitations, son attachement au milieu familial en même temps que son désir d’autonomie.
Un dernier détail fait aussi le charme de ce récit : la toponymie. L’action se déroule dans le désert mais les noms de lieux font référence explicitement à l’Abitibi : Valdor, Saineterre, Vilmar (Ville-Marie). Cette totale inadéquation entre la topographie du désert et celle de la région de l’Abitibi constitue un pied de nez au réalisme et un hommage à l’imaginaire. Cela me plaît bien.
Je ne sais pas pourquoi mais tout au long de la lecture, j’ai pensé à Manon des sources. (Ah ! moi et mes associations incongrues !) Sans doute à cause du thème de l’eau, de cette quête de la source. Pourtant, on l’a vu, Le Rendez-vous du désert ne sert pas de prétexte à dépeindre la condition humaine dans ce qu’elle a de plus universel, l’amour, la cupidité, l’hypocrisie comme dans le roman de Marcel Pagnol. C’est d’abord un récit d’aventures dans lequel la psychologie des personnages demeure sommaire. Une fois esquissée la personnalité de Coril et d’Algir, leurs motivations connues, l’auteure les laisse à elles-mêmes et se concentre sur l’action.
Je pense que cette obligation de mener efficacement un récit d’action représentait un grand défi pour l’auteure car ses nouvelles n’ont jamais reposé sur une intrigue trépidante avec rebondissements multiples. Ce défi n’est pas relevé de façon satisfaisante. La trame narrative demeure plutôt mince et certains épisodes, comme celui du trajet dans le conduit souterrain, apparaissent trop longs. Les situations ne sont pas suffisamment riches pour justifier autant de pages là où l’ellipse aurait été plus efficace.
Le Rendez-vous du désert demeure malgré tout un roman bien fait, que j’ai lu avec plaisir et que je n’hésite pas à recommander. Ses qualités, que j’ai énumérées, et la maîtrise de l’écriture, particulièrement dans les dialogues qui sonnent juste, compensent les faiblesses chroniques du récit. Il n’est pas facile d’écrire pour les jeunes après s’être d’abord adressé à un lecteur adulte, surtout quand l’auteur choisit d’aborder les mêmes préoccupations. D’ailleurs, il me semble que l’œuvre de Francine Pelletier est continuellement en porte-à-faux. Dans ses nouvelles pour adultes, le thème de l’autonomie répond davantage aux préoccupations des jeunes tandis que dans Le Rendez-vous du désert, si le thème est pertinent, l’écriture ne parvient pas à l’intégrer adéquatement au récit d’aventures. [CJ]
- Source : L'ASFFQ 1987, Le Passeur, p. 138-140.
Références
- Côté, Denis, Solaris 73, p. 52.
- Coulombe, Johanne, Lurelu, vol. 11, n˚ 3, p. 12.
- Le Brun, Claire, imagine… 43, p. 122-123.
- Meynard, Yves, Samizdat 11/12, p. 71-72.
- Noël-Gaudreault, Monique, Québec français 109, p. 107-109.
- Pirro, Michel, Nos Livres, novembre 1987, p. 30.