À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Sur le royaume de Contremont règne le roi Japier, que la mort de sa femme a plongé dans la mélancolie. Japier s’est retiré des affaires du royaume, qu’il a confiées à son conseiller Sirokin et à Ferodelis, chef de l’armée. Il néglige même sa fille, la princesse Melsi, insupportable et charmante à parts égales, qui s’est attachée à Nestorien, le jeune page de Sirokin.
Tout près de la capitale vit Barrad, un des derniers représentants d’une race ancienne sur le déclin, les aggs, parfois appelés « ogres ». Les aggs se nourrissent de chair humaine, mais une entente maintes fois séculaire lie Barrad à la ville de Contremont : tous les cadavres de la ville sont apportés à l’ogre, et en retour ce dernier laisse tranquilles les vivants.
Or Ferodelis ne prise guère l’idée de finir dans le ventre de Barrad ; il convainc le roi d’ordonner le départ de l’ogre, troupes à l’appui. On finit par déloger Barrad de sa caverne, mais ni les flèches ni les épées ne peuvent le tuer ; l’ogre, furieux, se rend jusqu’à la ville, où il s’introduit dans le château royal et fait prisonnier le roi Japier.
Barrad se réfugie en haut d’une tour avec son otage ; en retour de la libération du roi, il exige un mets rarissime : un sylvaneau, être d’une espèce quasi légendaire.
Une compagnie est formée pour aller quérir le sylvaneau ; elle est constituée de Sirokin, Nestorien et trois soldats. Mais deux de ces soldats ont été choisis par Ferodelis pour nuire à l’expédition. Car Ferodelis s’est pris à souhaiter que Barrad exécute son otage, et qu’un malheur arrive éventuellement à la princesse Melsi…
Cette dernière conçoit et exécute un plan audacieux pour rejoindre son père ; mais au même moment, le roi Japier parvient à se libérer ! Barrad se trouve à échanger un otage pour l’autre.
Entre-temps, la compagnie a traversé le pays des musaphes et est arrivée aux marais du nord, où elle découvre enfin une sylvanelle sommeillant dans son cocon lumineux.
Commentaires
La fantasy post-Tolkien est malade du motif de la quête. Prenez un groupe de personnages, envoyez-les à travers un paysage pseudo-médiéval, à la recherche de l’Objet Magique qui mettra fin au Mal Ultime, et vous avez une trilogie prête à vendre au plus offrant.
Non seulement La Requête de Barrad est-elle libre de cette infection, mais sa lecture pourrait même avoir des effets d’immunisation sur les futurs auteurs. Champetier démontre qu’il n’est nul besoin de menacer l’univers entier pour que le lecteur s’inquiète de la résolution des évènements ; que ce ne sont pas les déploiements de magies arbitraires qui demeurent en mémoire mais la saveur de l’histoire ; que la construction de monde n’a pas besoin d’être démesurée quand ce sont autres que de simples figurants qui habitent ce monde.
Une partie du vif plaisir que m’a procuré ce roman tient justement aux personnages, dont la psychologie est claire – c’est un roman pour jeunes – mais pas simpliste pour autant. Les motivations de Ferodelis sont compréhensibles et la lenteur de son glissement moral vers le bas force l’empathie ; quant à Barrad, on ne peut que le considérer avec un mélange d’intérêt et de répulsion, ce qui est idéal pour ce premier tome.
L’autre partie tient sans doute à l’écriture tellement élégante, qui dégage un ton tout à fait approprié pour les jeunes lecteurs mais nullement incommodant pour cet adulte-ci – je regrette quand même assez amèrement de n’avoir pu lire le livre quand j’avais dix ans !
La narration ne se perd jamais en détours inutiles. Les péripéties témoignent d’une réelle invention, d’une invention rigoureuse – le manque de rigueur étant la plaie endémique de la littérature SF/F pour jeunes au Québec, si je me fie à ce que j’ai lu ces temps-ci.
Public oblige, le roman prend souvent les points de vue de Nestorien et Melsi. Le premier est le moins fortement caractérisé des personnages, ce qui est normal puisque le lecteur va surtout s’identifier à lui. Toutefois, les plus jeunes seront sans doute davantage attirés par Melsi, laquelle est d’ailleurs accompagnée de deux furets que Champetier a choisi de faire parler – entre eux seulement. Cet élément fait sourciller au début, mais Champetier a su bien doser leurs interventions. Toujours la rigueur… Je m’en voudrais, pour finir, de ne pas relever un discret hommage à Jack Vance dans les noms des préceptrices de Melsi, qui rappellent les aventures de la princesse Suldrun dans le chef-d’œuvre de Vance, Lyonesse.
La Requête de Barrad : un roman bien construit, bien imaginé, une histoire qui devrait plaire aux lecteurs de tout âge, néophytes en fantasy ou amateurs blasés. Et qui se sentiront obligés d’acheter immédiatement la suite ! [YM]
- Source : L'ASFFQ 1991, Le Passeur, p. 45-47.
Références
- Benoît, Denise, Lurelu, vol. 14, n˚ 2, p. 18-19.
- Lacroix, Pierre, Temps Tôt 13-14, p. 72-73.
- Le Brun, Claire, imagine… 57, p. 96-97.
- Madore, Édith, Les 100 livres québécois pour la jeunesse qu'il faut lire, Québec, Nota bene, p. 195-197.
- Martel, Julie, Solaris 96, p. 20.
- Sarfati, Sonia, La Presse, 23-06-1991, p. C 3.