Résumé/Sommaire
IXE-13, ses compagnons et Halug cherchent à atterrir sur une planète amie. Ils décident de se poser sur Verta dont les habitants tiennent Halug en haute estime. IXE-13 juge que la présence d’Halug sur la Terre serait malvenue et demande à Roxanne de le dissuader de les suivre. Halug accepte à condition que les documents que IXE-13 destine aux savants de la Terre ainsi que le vaisseau qui les ramènera chez eux soient détruits. IXE-13 accepte le marché et tout l’équipage repart dans un nouveau vaisseau. L’entrée dans l’atmosphère terrestre se fait difficilement. Les astronautes doivent abandonner le vaisseau qui menace d’exploser. Ils sautent en parachute au-dessus de la Chine communiste. Des militaires capturent IXE-13, sa femme, Marius et Henry. Roxanne s’est quant à elle perdue. Elle est recueillie par un jeune Chinois nationaliste qui la cache et l’aide à se sauver vers le Japon. Pendant ce temps, IXE-13 et le reste de la bande essaient de fausser compagnie à leurs geôliers. Ils réussissent leur évasion mais se rendent compte que Roxanne est tombée aux mains de la vénéneuse Taya, l’ennemie jurée d’IXE-13.
Commentaires
Les gens de ma génération ne connaissent IXE-13 que par l’entremise de l’univers psychédélique et délicieusement kitsch du film de Jacques Godbout, mais pour ceux qui ont été jeunes durant les années 50 et 60, le nom de l’as des espions canadiens rappelle le souvenir de leurs premières lectures. C’est probablement par nostalgie que certains se remettront à lire ce feuilleton d’espionnage, certainement le plus populaire de toute l’histoire de la presse en fascicule québécoise. IXE-13 ne présente évidemment plus guère d’intérêt pour un public actuel, qui préférera certainement se rabattre sur le dernier blockbuster américain à sortir en salles pour avoir sa dose de coups fumants et de romances sexy sur fond d’espionnage international.
Pour l’occasion, ce sont les aventures galactiques d’IXE-13, et leur place dans l’histoire de la science-fiction au Québec, qui attirent notre attention, puisqu’elles constituent l’une des premières publications québécoises à frayer avec la science-fiction. Bien que les pulps américains aient fait leurs choux gras d’histoires d’invasions extraterrestres, de menace atomique intergalactique et autres périls sidéraux, la science-fiction était loin de constituer un intérêt pour le lectorat d’ici. C’est généralement sous forme d’incursions ponctuelles dans des séries déjà bien connues du public qu’elle apparaissait : les dix-huit numéros des Aventures étranges de l’agent IXE-13 que nous recensons représentent un bon exemple de ce phénomène.
Le monde fictif que dépeignent ces épisodes n’a toutefois pas grand-chose à voir avec ce à quoi le lecteur d’aujourd’hui s’attend d’un roman de science-fiction : il s’agit bel et bien d’un récit d’aventures apprêté à la sauce futuriste et non pas de textes qui font preuve d’un traitement en profondeur des thématiques science-fictionnelles. Les Aventures étranges de l’agent IXE-13 nous plongent d’emblée dans un décor de carton-pâte dans lequel tous les clichés typiques de la presse à grand tirage américaine sévissent : dictateurs sanguinaires, extraterrestres dangereusement affriolantes, monstres aux longues dents et aux griffes démesurées, soucoupes volantes illuminées et tournoyantes, décors exotiques, savants fous… On décèle chez Pierre Daignault une certaine fascination pour la culture populaire de nos voisins du Sud, signe que les éditions Police-Journal étaient davantage américanisées qu’elles ne le laissaient entendre, malgré le fait que son éditeur avait l’habitude de fustiger une certaine « littérature étrangère qui ne reflète aucunement notre mentalité et nos habitudes de vie » (épisode 651, page 35 ; note de l’éditeur). Il y a dans cette publication un curieux mélange de nationalisme canadien-français, de morale judéo-chrétienne et d’américanité qui constitue probablement le creuset dans lequel le Québec moderne s’est formé.
IXE-13 peut, ce faisant, être considéré comme le prototype du nationaliste canadien qui se dresse contre l’envahisseur anglophone et la menace communiste et qui, par-dessus tout, révèle les contradictions, les idéaux et les hantises du Québec de la Grande Noirceur. Ses aventures intergalactiques ne dérogent pas à cette règle : délivrer des extraterrestres de leurs ennemis ou mettre hors d’état de nuire des despotes qui menacent la liberté des peuples de l’univers, c’est un peu comme transposer outre-Terre les enjeux principaux de sa lutte habituelle contre les Anglais ou les communistes, fussent-ils de l’URSS ou de la Chine Rouge. Comme beaucoup de textes de SF écrits avant les années 70, Les Aventures étranges de l’agent IXE-13 recèlent donc un certain intérêt sociologique, dont les universitaires ont d’ailleurs su tirer parti (lire entre autres le collectif intitulé Le Phénomène IXE-13, publié en 1984 sous la direction de Guy Bouchard aux Presses de l’Université Laval).
Véritable James Bond canadien, dont les aventures rocambolesques semblent se calquer sur celles de l’espion dévoué au « service secret de sa Majesté », IXE-13 n’a rien à envier à son homologue britannique : séduisant, rusé, violent lorsque la situation l’exige et équipé de gadgets toujours plus perfectionnés, il sauve le monde en faisant la conquête de toutes les dames qu’il rencontre sur son chemin. Mais, contrairement à Bond l’éternel dragueur, IXE-13 est marié et, surtout, fidèle à son épouse. Si l’as des espions canadiens se permet de reluquer les attraits de la suave Véna ou de s’extasier à la vue des formes voluptueuses des Vestas, il reste que ces beautés torrides ne viennent jamais tout à fait à bout de ses principes de bon catholique, qui croit aux vertus du mariage et qui préfère embrasser possessivement sa chère Gisèle plutôt que de se compromettre dans l’adultère. C’est dire à quel point le roman d’espionnage peut devenir didactique pour peu qu’il mette en relief les enjeux moraux d’une société.
Un lecteur actuel ne manquerait pas de railler, voire de juger sévèrement, ce genre de racolage mais, à bien y penser, les aventures d’IXE-13 sont à peine plus rocambolesques et moralisatrices que la plupart des films d’action d’aujourd’hui. Il n’empêche que cette lecture qui amuse et fait sourire mène à la longue, comme une friandise trop sucrée, à l’écœurement. D’autant plus que la pauvreté de la présentation matérielle (le mince papier journal qui s’effrite sous les doigts, la mauvaise qualité de l’impression, la surabondance de coquilles) de même que de l’écriture (qui tient davantage de la langue parlée que du style littéraire) renforce cette désagréable impression. Avis, donc, aux intéressés : dégustez, mais à petites doses. [ID]
- Source : La Décennie charnière (1960-1969), Alire, p. 157-171.