À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Rodolphe Stiboustine naît le 20 février 1942, dernier rejeton d’une famille de treize enfants. Bien que normalement constitué, il est d’une taille lilliputienne : il mesure sept pouces et pèse sept onces à sa naissance. À sept ans, son poids et sa taille sont exactement les mêmes. En conséquence, la vie de Rodolphe est grandement déterminée par sa condition, ce qui l’amène à vivre des aventures hors de l’ordinaire.
Ainsi, après avoir craint pendant des années d’être dévoré par Alexis, le chat de la famille, Rodolphe l’apprivoise et en fait sa monture. Il peut désormais explorer le monde en dehors de la maison avec l’assurance de ne pas se perdre. Ses frères et sœurs l’aiment bien et le protègent, mais sa situation privilégiée excite parfois la jalousie de son jeune frère Harthur qui lui joue des tours pendables. Ainsi, un jour qu’Alexis avait rapporté un merle à la maison, Harthur avait ligoté Rodolphe à l’oiseau commotionné qui, après avoir repris ses esprits, s’était envolé avec l’enfant sur son dos. Rodolphe en avait été quitte pour une bonne frousse, car passé l’émerveillement de découvrir le paysage enneigé du haut des airs, il avait craint de ne pouvoir rentrer chez lui. Heureusement, le chat Alexis avait suivi le vol du merle et avait ramené l’enfant à la maison avant qu’il ne meure de froid.
Finalement, Rodolphe vivra une seconde naissance après être passé de l’estomac de son père, qui l’avait ingurgité avec sa bière sans s’en rendre compte, à la bouche, puis aux entrailles de sa mère d’où il sera expulsé au bout d’une incubation de neuf mois.
Commentaires
Rodolphe Stiboustine est le premier roman jeunesse de Jacques Benoit. Le récit des mésaventures de cet enfant à la taille lilliputienne tient à la fois du merveilleux et de la fantaisie, dans la tradition – un peu édulcorée, tout de même – de Rabelais et de Jonathan Swift. Il y a aussi un petit côté saga familiale dans ce roman car, si le personnage de Rodolphe est au centre du récit, les autres membres de la famille, frères et sœurs, père, mère et grand-père paternel, sont aussi bien présents.
L’origine du patronyme Stiboustine et l’arrivée de l’ancêtre en Nouvelle-France sont également décrites, ce qui contribue à nourrir la dynamique du récit qui repose, pour l’essentiel, sur cette opposition entre le quotidien réaliste de la famille Stiboustine et la situation exceptionnelle dans laquelle se trouve Rodolphe. La pauvreté matérielle, voire l’indigence des siens, soulignée à plusieurs reprises, ancre le récit dans la réalité québécoise du milieu du XXe siècle.
Par ailleurs, les péripéties de la vie de Rodolphe, avatar québécois du Petit Poucet, relèvent du conte et atténuent le côté misérabiliste des parents – le père est taciturne et ivrogne, la mère est énorme. Malgré ces traits caricaturaux, on sent l’empathie et la tendresse de l’auteur pour ses personnages. Les valeurs humaines simples du temps où les familles étaient nombreuses y sont illustrées avec bienveillance, mais sans nostalgie.
D’une certaine manière, Rodolphe Stiboustine rappelle Une saison dans la vie d’Emmanuel en raison du point de vue particulier de celui qui observe le monde autour de lui. Dans le roman de Marie-Claire Blais, l’environnement familial – et la société québécoise – est vu par les yeux d’un enfant, Emmanuel, qui a l’âge de se traîner par terre. Toutefois, le portrait fantaisiste et bon enfant de Jacques Benoit n’entretient pas les mêmes ambitions littéraires que celui de Marie-Claire Blais, beaucoup plus critique d’un état d’aliénation. Même s’ils ont publié sous la même bannière des Éditions du Jour au cours des années 1960 et 1970, les deux auteurs appartiennent à des écoles littéraires bien différentes.
Jacques Benoit affiche une prédilection pour les genres populaires: le polar (Les Voleurs), la science-fiction (Patience et Firlipon, mais surtout Les Princes), le fantastique (Gisèle et le serpent). Son incursion dans le roman jeunesse, pour sympathique qu'elle soit, n'a pas la même portée que ses œuvres plus anciennes. Rodolphe Stiboustine se lit avec un certain plaisir, en raison de l’écriture et des traits d’humour qui parsèment le récit, dus en bonne partie aux caractères typés des personnages – notamment le grand-père qui courtise galamment des veuves de son âge –, mais cette œuvre carbure à la facilité et ne laisse pas un souvenir impérissable. Mieux vaut relire Jos Carbone ou Les Princes pour apprécier pleinement l’art de Jacques Benoit. [CJ]
- Source : L'ASFFQ 1993, Alire, p. 14-16.
Références
- –––––––––––––, Le Devoir, 03/04-07-1993, p. B 7.
- –––––––––––––, Littérature québécoise pour la jeunesse 1993, p. 30.
- Desroches, Gisèle, Le Devoir, 08/09-05-1993, p. D 4.
- Guindon, Ginette, Lurelu, vol. 16, n˚ 2, p. 13.
- Martel, Réginald, La Presse, 18-12-1994, p. B9.
- Sarfati, Sonia, La Presse, 28-03-1993, p. B6.