À propos de cette édition

Éditeur
Québec/Amérique
Titre et numéro de la collection
Littérature d'Amérique
Genre
Fantastique
Longueur
Roman
Format
Livre
Pagination
302
Lieu
Montréal
Année de parution
1990
ISBN
9782890374959
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Reinach, le neveu de l’intendant Bigot, qu’on appelle aussi Tristehomme, a juré de venger son ami Michel Accault dit Bossu, en tuant Épis Brûlé qui a torturé sa cargaison de jeunes âmes destinées aux études à Québec. Sa mission accomplie au péril de sa vie, il rencontre Brin-de-Lin et Esseulée. C’est cette dernière que l’intendant voudra comme épouse ; elle n’aura d’yeux que pour Tristehomme.

Afin d’aider les amours d’Esseulée avec l’intendant, la vieille Mathilde prépare une potion d’amour. Mais Esseulée, au lieu de la donner à boire à l’intendant Bigot, l’offre à Tristehomme. Dès lors, c’est la passion entre les deux. Les subterfuges pour se rencontrer seront nombreux et, sous le couvert de Brin-de-Lin, l’intendant n’y verra rien.

Pourtant, il y a le nain Frossein, serviteur de l’intendant, qui s’est juré de rendre la vue à son maître. L’entreprise n’est cependant pas facile car Brin-de-Lin veille. Mais le nain est têtu. Enfin, pendant une représentation de Molière, la vérité éclate : l’intendant, fou de rage, fait ligoter les amants.

Et tout se précipite… Alors qu’il veut les livrer au feu, Tristehomme s’enfuit ; Bigot décide de laisser sa femme adultère aux lépreux. Tristehomme revient et sauve Esseulée. Frossein le nain dévoile le secret de son maître ; Bigot en colère lui tranche le sexe…

Le temps passe. Les amants, réfugiés à Beauport, coulent des jours durs et des nuits heureuses. Finalement, ils sont débusqués par l’intendant… qui ne les tue pas ! Convenant que le problème vient d’une potion d’amour, Tristehomme et Esseulée acceptent de revenir à Québec. Bigot reprend sa femme et Tristehomme s’exile.

À Montréal, il épousera Angéline. Mais le mariage ne sera jamais consommé et Tristehomme retournera en cachette à Québec plusieurs fois. Car Esseulée est la seule femme pour lui. Évidemment, tout finit par se savoir. Angéline apprend tout de la bouche même d’un homme qui a pâti à cause de Tristehomme, d’un homme qui le blessera à mort. C’est pourquoi Angéline mentira à la toute fin, lui faisant ainsi désirer la mort juste avant l’arrivée d’Esseulée. Cette dernière l’accompagnera aussitôt dans la mort et les corps ne pourront être séparés l’un de l’autre.

Commentaires

Le titre nous y fait penser, les exergues, tout comme la quatrième de couverture, nous confirment l’intention : il s’agit bien de réécrire le mythe de Tristan et Iseult, de le transposer, en fait, du Moyen-Âge européen à notre passé français d’avant la Conquête. L’entreprise n’était pas aisée ; le résultat, baroque à souhait, n’est pas sans intérêt. Richard Ramsay, grâce à une belle connaissance de la période française de notre pays et à une langue délicieusement truculente – et « poétiquement archaïque », si l’on reprend les termes de la quatrième de couverture –, rend de belle façon l’atmosphère aventureuse et exhubérante de cette jeune colonie aux prises avec un climat hostile, une mère-patrie lointaine et certains aborigènes peu amicaux.

La façon de présenter nos propos dans L’ASFFQ nous oblige à rédiger un résumé du texte, et ensuite à donner nos impressions – bonnes ou mauvaises – sur l’ensemble du texte. Si, parfois, cette façon de faire nous cause certains problèmes, elle est tout à fait appropriée pour rendre compte du roman de Richard Ramsey car je crois que, pour l’analyser convenablement, il est nécessaire de le scinder en deux parties bien précises : l’histoire et la narration… ou le classicisme et l’exubérance. Je m’explique par quelques passages pris au hasard des pages…

«En nuit choisie, fiévreux de convoitise, Faux-Visage se rend chez l’adolescente et se glisse, mais combien lentement, jusqu’au sourire du sommeil de sa Belle ». (p. 87) Déjà, le mal d’amour incurable bouillonne dans les veines de Tristehomme et Esseulée. Ils se ravissent l’un l’autre de regards enivrés. L’appétit de l’un pour l’autre les tenaille mais l’ardeur du combat de leur for intérieur leur refuse de s’en révéler la force. Ni l’un ni l’autre n’ose avancer le premier pas de l’aveu ». (p. 108) «Elle gobe. Sourit. Pique des fossettes. Fait la risette. Rougit. Se nourrit de cette lavande de mots. Goût exquis. Elle se prend à dodiner, mains jointes au dos, devant le jeune Loup. Il s’enhardit. À bras-le-corps, mains passées sous ses cheveux en chute de reins, Charles-Jean l’attire à lui. D’oeillères de lèvres, il clôt ses yeux vert de pin. (p. 260)…

Vous comprenez ? Voici une prose fleurie, joliment tournée, érudite, pleine d’images et de sens, qui se passerait presque de l’histoire tant elle est riche. On pourrait parler et parler du chant qu’elle génère, des rythmes qu’elle initie, des sourires et des frissons qu’elle communique au lecteur, tant et tellement qu’elle en arrive parfois à submerger le propos, à oublier la suite des événements, à occulter les personnages eux-mêmes. Et c’est peut-être le seul reproche qu’on peut lui faire, à cette écriture : ne pas se conformer toujours au plan du récit, à ce besoin de quiétude verbale que certains passages auraient nécessitée afin de les rendre plus limpides, plus conformes à une réalité littéraire qui se veut aussi crédible, structurée.

Et le fantastique ? Il a la portion congrue ! Outre le philtre d’amour et sa malédiction, la fin surréaliste où le canot funéraire, qui porte les gisants encroués, s’envole dans l’infini, peu de manifestations. Cependant, comme ses interventions servent de fondation au récit, on peut affirmer sans se tromper que Le Roman de Tristehomme et Esseulée appartient bien au genre fantastique. Et c’est tant mieux : il nous donne la preuve éclatante que richesse littéraire et fantastique font toujours bon ménage. [JPw]

  • Source : L'ASFFQ 1990, Le Passeur, p. 160-162.

Références

  • Basile, Jean, La Presse, 31-03-1990, p. K4.
  • Chassay, Jean-François, Spirale 99, p. 17.
  • Pouliot, Maurice, Nuit blanche 40, p. 28-29.