À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Rosa se présente à la loge de saint Pierre. Le portier céleste critique sa tenue vestimentaire légère et l’interroge sur son éducation et sa conduite. Il lui fait la leçon et lui refuse l’entrée du paradis. Sur ces entrefaites, trois femmes, des Ligueuses, arrivent chez saint Pierre et accèdent directement au ciel. Rosa se voit indiquer la porte du purgatoire.
Commentaires
Tout, dans la nouvelle d’Édouard Lecompte, est théâtral. Le texte, en grande partie, reproduit le dialogue entre saint Pierre et Rosa. Il comporte en outre quelques didascalies (« Se rejetant en arrière, les yeux dans l’espace » en parlant de l’attitude de saint Pierre) et des indications scéniques (« Changement de décor ! »). La conception de l’entrée du paradis et du rôle de saint Pierre relève aussi de l’effet théâtral. Derrière le portier céleste s’érigeant en juge se profilent trois portes : celle de l’enfer en bronze, celle du ciel en or et celle du purgatoire en fer. On aurait pu croire que la porte de l’enfer serait celle… en fer !
« Rosa Tire-l’œil » étale l’effarante misogynie de l’auteur. Dès le début, le procès de Rosa se fait sur les apparences. La jeune fille est jugée non sur ses actes mais sur sa tenue vestimentaire suggestive : « […] les cheveux en brosse, du rouge au lèvres, l’œil hardi, une robe couleur de pêche, diaphane, tombant de trois pouces au-dessous des clavicules, les coudes à l’air, les genoux de même… ». Par contraste, les trois femmes, vêtues sobrement et portant leur insigne de Ligueuses, sont acceptées d’emblée au ciel sans être soumises à un interrogatoire comme Rosa.
Tout au long du texte, le lecteur que je suis espérait un renversement de situation. Je me disais : « C’est trop gros, cette obsession sur la tenue vestimentaire des femmes. L’auteur fait de l’ironie. » Mais non ! Le verdict tombe : purgatoire pour la trop coquette Rosa et blâme à ses parents, qui ne perdent rien pour attendre quand ils se présenteront à saint Pierre, pour ne pas avoir encadré la conduite de leur fille. Pourtant, Rosa a étudié dans un couvent tenu par des religieuses, elle va à la messe le dimanche et a été (ou est) Enfant de Marie.
Édouard Lecompte, un jésuite, s’est vraiment projeté dans le personnage de saint Pierre. Loin de moi l’intention de le psychanalyser, mais cette réduction de la femme à sa seule fonction de séductrice n’est-elle pas une façon pour l’auteur d’exorciser ses démons, d’éloigner la tentation de la chair ? [CJ]