À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Commentaires
La Rose du désert fut le premier livre d’Yves Meynard ; il a été publié quelques mois avant son premier roman pour jeunes. Avec ce recueil, l’écrivain allait se retrouver en nomination pour le Grand Prix de la science-fiction et du fantastique québécois 1996, un prix qui lui avait été décerné deux ans plus tôt pour un brelan de nouvelles mémorables.
Le recueil publié au Passeur regroupait deux nouvelles parues dans la revue Solaris, et deux dans des collectifs des Publications Ianus. Un texte inédit complétait le sommaire – inédit en français, du moins, car il avait paru dans une anthologie canadienne de la série Tesseracts.
« Équinoxe » commence sur une image qui pourrait avoir été transcrite de la tétralogie Book of the New Sun ou de la trilogie Book of the Long Sun de Gene Wolfe, l’auteur fétiche d’Yves Meynard. Tout y est, la foi mystique basée sur un/des mensonges, le vocabulaire religieux récurrent, l’importance du clergé, le statut d’anges de l’équipage inaccessible du « Contrôle », la déréliction du vaisseau-monde en l’absence de navigateurs, les crypto-cyborgs d’une nature incertaine, la technologie infiniment avancée incomprise par la population de l’arche… Il ne manquerait que des extraterrestres camouflés en humains interagissant avec les personnages à leur insu. Mais peut-être les ai-je manqués, car un autre aspect de l’œuvre de Wolfe est au rendez-vous, l’irrésolution à la fin de la lecture, l’incertitude d’avoir compris – ou plutôt, la certitude de n’avoir pas tout compris. L’hommage, tout bref soit-il, est complet…
Pour le critique, la tentation est grande de chercher des points communs entre les nouvelles d’un recueil – même si, en tant qu’auteur et qu’éditeur, le même critique sait que tous les cas de figure sont possibles : choix de l’éditeur, intention littéraire de l’auteur, ou encore parfait hasard découlant de la disponibilité des textes au moment de leur regroupement.
Des idées-force émergent tout de même de La Rose du désert.
Item : la grande diversité des incarnations possibles de l’humain. Ceux des « Hommes-Écailles », par exemple, sont les éléments asservis d’une entité collective (nommée Léviathan) dont ils dépendent au même titre qu’une abeille de sa ruche ou une fourmi de sa fourmilière ; le protagoniste y perdra finalement son humanité. Les variations sur le cyborg dans « Équinoxe » où chevaliers et « christs » ne sont plus humains, l’ayant déjà été dans le cas des chevaliers, mais sans que l’amorce d’une explication ne soit offerte au lecteur quant à leur transformation. Les cybermusiciens branchés d’« Antarctica », dont les altérations, quoique difficiles à cerner pour le lecteur, n’en sont pas moins certaines. Les mutants invulnérables et quasi immortels de Manoâr, dans la nouvelle éponyme, privés de leur humanité des millénaires plus tôt dans un dessein que tous (ou presque) ont oublié. Puis ces personnages qui n’ont plus d’existence que virtuelle dans les mémoires d’un réseau informatique, leur code génétique réduit à un fichier numérique (au même titre que celui d’un virus) dans « Une princesse de Serendip ».
Item : la distance et l’altérité. Infinie distance dans le temps ou dans l’espace avec « Équinoxe » et « La Rose du désert » (où les références à l’humanité terrienne sont minces ou nulles), ou avec « Les Hommes-Écailles », et alors on peut choisir d’y lire de la fantasy plutôt que de la SF (conformément au vœu exprimé par l’auteur lors de sa première publication). Reste que « ...Serendip » et « Antarctica » ont pour cadre une Terre beaucoup moins éloignée dans le futur, ce qui nous ramène à ma première remarque sur le caractère aléatoire de la composition d’un recueil.
Item : la transformation ou le passage. Comme dans « rite de passage » (voir « Équinoxe », ou encore « Les Hommes-Écailles » où Jorn n’a guère plus le choix quant à sa transformation que n’en a un enfant parvenu à la puberté, ou un vieillard au seuil d’une maladie terminale).
La brève existence de la collection « Pure fiction » a donné cette œuvre aussi belle que son titre, ciselée comme l’est le curieux objet minéral qu’on appelle rose du désert. La nouvelle éponyme pourrait légitimement prétendre au rang de meilleure du recueil… si ce n’était d’« Antarctica » ou des « Hommes-Écailles ». [DS]
- Source : L'ASFFQ 1995, Alire, p. 134-136.
Prix et mentions
Prix Boréal 1996 (Meilleur livre)
Références
- Bélil, Michel, imagine… 75, p. 93-95.
- Bérard, Sylvie, XYZ 53, p. 103 et 105-107.
- Martin, Christian, Temps Tôt 37, p. 46-47.
- Morin, Hugues, Solaris 115, p. 43.
- Potvin, Claudine, Lettres québécoises 80, p. 29-30.