À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Sur la planète Eunorexie, Sylvanie Penn, une employée de bureau, comparaît devant son Chef, Scram, pour avoir, notamment, écrit un poème érotique. Sans écouter ce qu’elle a à dire et préférant plutôt ajouter foi aux propos du sous-chef, Scram réclame la démission de Sylvanie sur ce seul chef d’accusation et lui annonce son exécution prochaine. Atterrée, condamnée à mourir par la hache ou par la guillotine, Sylvanie se souvient toutefois qu’elle a enfin réussi à faire fondre tout à fait le beurre de plomb qu’elle avait dans l’aile depuis l’enfance…
Commentaires
Fidèle à elle-même, Louky Bersianik nous livre ici une nouvelle à saveur essentiellement féministe. Le texte en entier peut en effet être vu comme la dénonciation d’une certaine société phallocrate où l’homme domine et où la femme est méprisée. Sa parole n’est pas écoutée ; pire, elle est étouffée dans l’œuf. La liste des chefs d’accusation qui pèsent sur Sylvanie l’illustre bien : elle est accusée d’avoir écrit un poème érotique, d’avoir essayé de trouver mille images pour illustrer un seul terme, d’avoir tenté de dépolluer certains mots, d’avoir fait ou dit quelque chose d’innommable (on refuse cependant de lui spécifier de quoi il s’agit), d’avoir l’intention d’afficher sur son babillard les mots Transgresser c’est progresser, popularisés par celle qui est désignée sous le nom d’Ennemie Publique numéro un, l’Euguélionne… (clin d’œil au premier roman de Louky Bersianik, d’ailleurs considéré comme le premier roman québécois d’inspiration féministe, L’Euguélionne, paru en 1976).
La parole féminine est méprisée, les hommes ont tout le pouvoir et les femmes doivent se conformer aux règles édictées, tel est le propos, à peine masqué, de « La Salle de conférences ». Bersianik ne considère toutefois pas que la situation des femmes est sans issue puisque son récit se termine sur une note d’espoir. En effet, quand Sylvanie prend conscience du fait qu’elle peut échapper à son exécution étant donné qu’elle a réussi à faire fondre le beurre de plomb qu’elle avait dans l’aile depuis l’enfance, cela revient à dire qu’il est possible pour la femme de s’affranchir, de se libérer de la domination masculine, de changer les règles.
Simple transposition de préoccupations contemporaines dans un cadre science-fictionnel, voilà finalement la formule qui nous vient à l’esprit pour qualifier la nouvelle de Louky Bersianik. L’univers extraterrestre n’est ici qu’un prétexte, mais il permet peut-être de mieux faire passer la pilule… [SN]
- Source : L'ASFFQ 2000, Alire, p. 19-20.