À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Pierre Servax, le chef de l’organisation secrète Unipax, réunit ses principaux lieutenants pour les mettre au courant d’un rapport préparé par le chef des renseignements. Des informations fournies par un agent qui a infiltré le ministère de la Défense britannique donnent à penser que les gouvernements français et britannique expérimentent un virus mortel qui pourrait être utilisé à des fins militaires sur une grande échelle. Deux équipes de chercheurs travaillent séparément tout en échangeant régulièrement sur l’avancement de leurs travaux. L’une se terre dans un coin perdu de la campagne écossaise, l’autre agit dans le plus grand secret dans un ranch de la Camargue.
Unipax a envoyé dans chacun de ces endroits une petite équipe d’espions chargés de surveiller les allées et venues des chercheurs qui travaillent dans ces centres. Avant de déclencher l’opération Esculape, Servax effectue une mission de reconnaissance avec trois équipiers en Écosse, puis en Camargue. Il a la confirmation que les deux équipes de chercheurs ont mis au point une arme bactériologique capable de rayer la population entière d’un pays en quelques heures en contaminant les sources d’eau.
Unipax mobilise ses meilleurs agents et une partie de sa flotte d’aérosubs pour neutraliser les visées terroristes des deux gouvernements qui espèrent, grâce à cette arme, mettre fin à l’hégémonie des grandes puissances que sont les États-Unis, la Chine et l’U.R.S.S. L’intervention doit se faire simultanément dans les deux pays pour que la menace soit écartée. La mission écossaise paraissant peu risquée, Servax dirigera le commando chargé de détruire les installations en Camargue et d’enlever le professeur Servais qui a développé le virus. L’attaque du ranch s’avère effectivement périlleuse et coûtera la vie à trois agents de l’organisation mais Servais sera capturé, de même que son collègue britannique.
Commentaires
Les Savants réfractaires de Maurice Gagnon est la deuxième aventure de la série Unipax. Il est manifeste que l’auteur l’a conçue pour rouler longtemps quand on consulte les deux annexes où sont présentés les membres de la direction générale d’Unipax – son organigramme, en somme – et les divisions de combat de l’organisation. Plusieurs de ces noms ne sont même pas mentionnés dans le présent roman. Ils seront sans doute évoqués dans d’autres épisodes, la série en comptant huit au total.
L’amateur de science-fiction risque cependant d’être déçu car le roman – et la série – exploite peu les possibilités de la SF. Seule la technologie dont dispose l’organisation, particulièrement les aérosubs, des sous-marins qui peuvent aussi voler comme des avions, fournit la caution SF minimale attendue. L’ensemble revêt surtout les couleurs du roman d’aventures à la Bob Morane, le modèle incontesté du genre à l’époque où la série de Gagnon a été lancée. Et on peut penser qu’elle a justement été développée pour concurrencer, bien modestement, la série d’Henri Vernes. La littérature québécoise pour la jeunesse n’en était encore qu’à ses débuts dans les années 60 et bien peu de maisons d’édition en publiaient. Mais à la différence du héros de Vernes, figure emblématique de l’aventurier solitaire, redresseur de torts et sauveur de l’humanité (dans son combat perpétuel contre l’Ombre Jaune), Pierre Servax travaille en équipe et ne se pose pas comme une ressource irremplaçable. On comprend qu’il pourrait disparaître sans que la poursuite de la série ne soit menacée.
Une des premières choses qui frappent à la lecture des Savants réfractaires, c’est cette prédisposition à utiliser des armes autres que mortelles, comme des gaz paralysants ou soporifiques, pour neutraliser ceux qui mettent la paix en péril. L’auteur fait l’économie de morts même si, pour des raisons de vraisemblance, il ne peut éviter quelques pertes humaines des deux côtés. Après tout, l’organisation secrète a pour nom Unipax. En outre, plutôt que de simplement éliminer les savants qui font peser une menace sur le monde, l’organisation les soumet à un lavage de cerveau et remodèle leur personnalité avant de les remettre en liberté.
La série Unipax revêt une importance historique dans la littérature québécoise de genres. Elle a sans doute inspiré Daniel Sernine dans la conception de sa série Argus, organisation secrète de Terriens vivant sur Érymède qui s’est donné pour mission d’intervenir dans les affaires terriennes pour maintenir l’équilibre entre les grandes puissances et désamorcer ainsi les risques de guerre mondiale. On remarquera la similitude des objectifs et la discrétion des deux organisations qui opèrent dans l’ombre. Cependant, Daniel Sernine intégrera véritablement les ingrédients de la science-fiction dans sa série et lui imprimera sa touche personnelle. L’écriture est davantage travaillée chez Sernine et, même si la responsabilité n’incombe pas qu’à l’auteur, j’ai, pour ma part, relevé un grand nombre de coquilles typographiques dans le roman de Gagnon.
Selon les normes d’aujourd’hui, Les Savants réfractaires comporte peu d’action et est peu fertile en rebondissements. On sent toutefois la rigueur toute militaire dans la préparation et la description de l’opération Esculape, rigueur qui se transformera en une idéologie militariste dans un roman plus ambitieux, Les Tours de Babylone, paru en 1972. [CJ]
- Source : La Décennie charnière (1960-1969), Alire, p. 88-90.
Références
- Lortie, Alain, Requiem 17, p. 6-7.