À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Un pornographe mi-synthétique mi-biologique décide d’effectuer une tournée en surface, en compagnie d’un pair. Au cours de la remontée, les deux personnages font connaissance, font l’amour à répétition et échangent sur leurs expériences respectives (sexuelles et autres), tout en respectant les règles et codes d’usage. En surface, il leur faut, pour changer de cercle et accéder à de nouveaux privilèges, passer des examens qui mettent à l’épreuve leur émotivité. Ils atteignent enfin le quatrième cercle et la paroi transparente derrière laquelle s’étend à l’infini le paysage : un territoire interdit auquel le compagnon du pornographe ne saura résister.
Commentaires
Harold Côté, lauréat du Prix Solaris 1990, offre aux lecteurs de science-fiction une première nouvelle étonnante, fascinante et audacieuse tant au niveau de la forme que du contenu. Les thèmes abordés ? La sexualité, la recherche de la sensualité et du naturel dans un monde artificiel, la quête de la liberté et de l’autonomie. Les personnages représentés viennent d’un monde souterrain subdivisé en 200 niveaux/étages qui sont l’indice de classes sociales. Plus on monte, plus on s’affranchit. La surface est, quant à elle, découpée en quatre grands cercles concentriques. Pour passer d’un cercle à l’autre et atteindre la frontière ultime du quatrième cercle, les personnages doivent se prêter à une série de tests. Arrivés au dernier point-frontière, les personnages ont acquis le droit de manger, de se démasquer, d’utiliser leur voix naturelle pour chanter ou parler. Ils ont en fait mérité le privilège de jouir pleinement de la vie, de profiter de leurs sens, de recouvrer leur “naturel” ou ce qu’il en reste. Mais la quête ne semble pas complétée car l’extérieur – ce paysage qui s’ouvre au regard, de l’autre côté de la paroi transparente – exerce une fascination, appelle à la découverte…
« Sens dessus dessous » risque de rebuter, dans un premier temps, le lecteur. Le langage est cru, familier, vulgaire, ce qui convient somme toute au sujet traité. « T’as pas forniqué depuis ce matin ! T’es à la diète ou quoi ? En tous cas, ta queue, elle en peut plus. Approche un peu que je te la masse. T’es fendu ou cousu ? Non, je demande, comme ça, parce qu’avec les fendus faut un peu de lubrifiant. Vagin comment ? Auto-lubrifiant….» Et c’est ainsi pendant des pages et des pages… « Fornique-un… Fornique-deux… Fornique-trois… Fornique-quatre… Fornique-cinq… Je viens, tu viens, on vient. » Zieuté ?
Le type de narration privilégié par l’auteur exige de plus une attention soutenue. « Sens dessus dessous » se déroule tel un long monologue, à la deuxième personne (tu). Le personnage principal s’adresse à son compagnon de fortune : il l’interroge, le rassure, lui indique quoi faire et comment le faire, répond à ses questions et à ses commentaires tout en se passant en lui-même ses propres réflexions. Jamais le lecteur n’entendra le compagnon ; tout est vu et senti par le pornographe seul. Cette absence de narration omnisciente rend plus complexe le travail des nuances (pour l’auteur) et plus ardu le décodage de l’information (pour le lecteur).
Pour une première nouvelle de science-fiction, Harold Côté réussit bien à allier fond et forme. L’auteur sait prendre plaisir à défaire puis refaire le langage, sens dessus dessous, à façonner son matériau selon ses besoins et ses désirs. Le mot “plinker”, et ses dérivatifs, surgit par exemple régulièrement dans le texte (un petit plinkeux de con comme toi ; plink de plink ; tes simul-plinkbouilles ; c’est plinké ; plinke-toi ; tu me fais déplinker ; c’est que d’la plink merdique, etc....). L’effet est, disons, schtroumphant !
Voilà donc une voix qui se démarque nettement cette année, pour son originalité, de la production québécoise de SF. Reste à voir ce qui nous sera proposé l’an prochain… [RP]
- Source : L'ASFFQ 1990, Le Passeur, p. 63-64.
Prix et mentions
Prix Solaris 1990