À propos de cette édition
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Dans Sept mémoires, à première vue, trois nouvelles seulement justifient peut-être la recension de ce recueil – et le mot opératoire ici, comme dans le résumé de « Périr », est peut-être. Mais si le fantastique repose, entre autres et canoniquement, sur une hésitation diégétique, l’hésitation sur le genre lui-même auquel appartient un texte ne peut-il constituer un argument pour l’inclure ? Car enfin, le protocole de lecture que le lecteur est amené à choisir constitue un autre critère, tout aussi valide à mon avis.
Les trois nouvelles de ce recueil en sont un bon exemple : pour chacune – y compris la plus franchement fantastique, « Flamber », avec ses échos de Borges (« L’Aleph » croisé avec « La Bibliothèque de Babel » : l’auteur, professeur de cégep, a fait ses classes dans le genre) – c’est en définitive la bonne volonté, ou le désir, du lecteur qui détermine le genre du texte. Car dans chaque cas, il pourrait s’agir de littérature mainstream aux marges du pathologico-fantasmatique (une lecture psychocritique de ces textes superposés serait particulièrement féconde !) – en particulier pour « Subir » et « Périr » dont les narrateurs ne sont pas fiables. Non-coïncidence, la nouvelle qui se prête le plus aisément à une lecture fantastique est narrée en troisième personne, se présentant donc avec plus d’autorité.
À deuxième vue, au reste, l’ensemble du recueil illustre bien cet effet de lecture – procédant donc de stratégies spécifiques d’écriture – dont peut bénéficier, pour des lecteurs formés au fantastique, une partie de la littérature dite générale. Pendant qu’on y est, d’ailleurs, on peut même trouver en filigrane dans ce recueil motif à réflexion sur de possibles distinctions entre mainstream, fantastique et science-fiction, lorsqu’ils partagent certains de leurs motifs, comme par exemple ici le traditionnel motif de la télépathie : dans le mainstream et le fantastique, cela ne concerne qu’une seule personne, dans la science-fiction, elles sont au moins deux, mais en général plusieurs, et la société entière en est affectée ; on voit que mainstream et fantastique auraient en partage le même goût pour l’hypertrophie de l’individu.
Mais plus généralement, les mêmes techniques utilisées dans tous les textes du recueil, narration non fiable en JE, dérive ou délire tout intérieurs, personnifications de l’inanimé, prises au pied de la lettre surréalistes ou proliférations hyperréalistes du détail, j’en passe, nous invitent à nous rappeler que fantastique et fantasme ont après tout la même racine et qu’en dernier ressort, les classements génériques sont rassurants, ou pratiques, mais sans grands fondements. Ce qui est bien sympathique dans des textes dont plusieurs ont été écrits pour répondre aux exigences d’une maîtrise en création, heureusement surpassées. [ÉV]
- Source : L'ASFFQ 2000, Alire, p. 99-101.