À propos de cette édition

Éditeur
imagine…
Genre
Science-fiction
Longueur
Novelette
Paru dans
imagine… 64
Pagination
11-37
Lieu
Sainte-Foy
Année de parution
1993
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Sylvie Demers, quinze ans, vit misérablement dans un minuscule appartement. Désespérée, voulant en finir avec la vie, elle tombe par hasard sur une petite annonce dans le journal. L’armée féminine recrute. La jeune fille se présente au bureau d’embauche et est retenue pour un stage de probation. On la prépare à sa mission qui n’est pas de faire la guerre, mais de donner des enfants à la nation…

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Commentaires

Si la vie vous intéresse… On se souvient de ce slogan des forces armées canadiennes. Guy Bouchard l’utilise ici de façon subversive pour explorer une autre facette de la condition féminine, thème majeur de son œuvre, la maternité étant l’un des aspects primordiaux de cette condition.

L’auteur privilégie la forme du journal intime qui permet d’accéder sans filtre aux émotions, aux réflexions et aux intuitions de Sylvie, une adolescente naïve, désespérée et dupée dans ses sentiments. Le récit, qui s’étend sur treize mois (1er janvier 2008 au 31 janvier 2009), est touchant et contribue à incarner le personnage. Bouchard, soucieux de réalisme et d’authenticité, est toutefois contraint de reproduire l’écriture au son de la jeune recrue afin de rendre compte de son indigence culturelle. Les innombrables fautes agacent au début et rendent la lecture un peu laborieuse, mais on finit par s’y faire.

Sylvie est une victime, manipulée par des femmes, doublement trahie par elles : d’abord, dans ses sentiments, car la relation amoureuse que Nathalie noue avec elle à son arrivée au camp n’a pour but que de l’amener à accepter son rôle de mère porteuse ; ensuite, dans son engagement « politique » peut-on dire (quoique sa conscience politique n’est guère développée), quand on lui apprend que la nouvelle version de la revanche des berceaux (le programme nataliste gouvernemental) a été détournée par les femmes pour que les enfants à naître ne soient que des filles. Au nom de la solidarité féminine, Sylvie se voit contrainte d’embrasser une cause à laquelle elle ne croit pas. Elle a l’impression, 13 mois plus tard, d’être revenue à la case départ et de retrouver sa condition d’aliénée : flouée par l’amour de son chum qui s’était poussé avec les meubles qu’elle avait achetés ; flouée par l’organisation féministe secrète qui lui enlève son bébé.

Le complot féministe qui étend ses ramifications à l’ensemble de la planète en vue d’établir une « matriarchie » mondiale mine quelque peu la crédibilité du récit. Il aurait peut-être été préférable d’en limiter la portée à l’espace québécois. D’ailleurs, l’argument de vente du discours féministe (la dénatalité du peuple québécois et la perspective que les francophones deviennent minoritaires par rapport aux immigrés anglicisés) n’est pas très clair. Il y a un flou quand il est question de la nation : québécoise ou canadienne ? On mentionne le mot indépendance (du Québec ? : on serait alors dans une uchronie) mais on continue de parler du Canada quand on évoque le danger de l’immigration. Guy Bouchard aurait eu intérêt à être plus explicite au sujet du statut politique du Québec.

Malgré ces quelques faiblesses, « Si la vie vous intéresse », qui a remporté le prix Septième Continent en 1993, est une nouvelle poignante dont la conclusion ne laisse aucun espoir de rédemption. Elle s’insère tout naturellement dans la réflexion féministe qui traverse l’œuvre de Guy Bouchard. Une lecture de ce texte sans la connaissance des autres morceaux de la mosaïque élaborée par l’auteur pourrait laisser croire que celui-ci est foncièrement antiféministe. Ce qui n’est pas le cas, à l’évidence. [CJ]

  • Source : L'ASFFQ 1993, Alire, p. 30-31.

Prix et mentions

Prix Septième Continent 1993