À propos de cette édition

Éditeur
Québec/Amérique
Titre et numéro de la collection
Jeunesse/Roman Plus
Genre
Science-fiction
Longueur
Roman
Format
Livre
Pagination
230
Lieu
Montréal
Année de parution
1986
ISBN
2890373185
Support
Papier
Illustration

Résumé/Sommaire

Simon Yourm, précoce inventeur de gadgets aussi peu rentables que loufoques, s’avérera un mégalomane cigarophile, une fois devenu vieux et gras. En l’an 2004, en effet, grâce à une chaise-à-voyager-dans-le-temps de son cru, il décide de remplacer entièrement l’espèce humaine par des millions de doubles de lui-même prélevés à divers moments de l’année 1977. Rassemblant surtout de jeunes Simon à tempérament fasciste, son armée est temporairement cantonnée dans un désert d’Australie. Tout baigne dans l’huile pour le vieux Yourm jusqu’à ce que l’un des doubles, moins influençable et plus héroïque que ses congénères, refuse de jouer le jeu proposé. Ce Simon-là possède en outre, à sa propre surprise, le pouvoir de lire les pensées des autres Simon, ce qui lui permet de voir ce qui se passe un peu partout dans le monde du XXIe siècle par alter ego interposés. Désirant à tout prix conserver son individualité, il s’évade de la colonie. Au cours de sa fuite, il rencontre la journaliste Maude Syen, dont il se fait une alliée.

Puis le vieux Yourm devient maître de la Terre. Il parque les divers peuples dans des camps de concentration urbains et organise son armée de doubles sur le modèle des Jeunesses hitlériennes. Pendant ce temps, Simon et Maude aboutissent aux USA où se trouve le vieux, non sans avoir affronté quelques-uns des doubles fanatiques. Maude est enlevée. En essayant de la retrouver, Simon attire à sa cause deux autres lui-même. Tandis que Maude se fait torturer sur un plateau de tournage à Hollywood, le trio survient pour la délivrer. Les quatre nouveaux compagnons tenteront alors à eux seuls de réduire à néant l’ignoble projet du vieux : le génocide de l’humanité. Grâce à son pouvoir télépathique, Simon sème la révolte chez les jeunes Yourm, mais il ne parvient pas à nuire vraiment au grand chef.

Il comprend enfin que la meilleure façon de vaincre le despote consiste à le tuer avant même que son rêve n’éclose dans son esprit. Simon plonge donc en l’année 2002. Il y trouve un Yourm alcoolique, rendu malade par la mort récente de sa bien-aimée. Puis Simon est assassiné par le despote de 2004, qui l’avait suivi dans le passé. En 1977 pourtant, le jeune héros est toujours vivant.

Commentaires

Simon Yourm est le deuxième titre paru dans la nouvelle collection Jeunesse/Romans Plus que Québec/Amérique destine aux quatorze ans et plus. On l’aura deviné à la lecture du résumé qui précède, ce livre est essentiellement un roman d’aventures humoristiques.

J’aimerais dire que c’est une réussite, mais je mentirais. L’idée de départ, excellente, n’est pas exploitée comme elle le mérite. L’auteur se perd lui-même dans les dédales spatio-temporels qu’il s’est construit, s’embrouille dans des explications tarabiscotées sur le fonctionnement de la machine (pp. 105 et 141), se contredit sur les dates (p. 63), omet de raconter certains exploits particulièrement périlleux de ses héros (p. 57 et 77). À la page 76, il nous apprend en une seule phrase que le vieux Yourm est devenu maître du monde, s’épargnant ainsi l’effort de nous faire le récit des événements. Certaines scènes, inutiles ou sans effet sur le déroulement de l’intrigue, ont tout simplement l’air plaquées. Comme cet épisode où le vieux Yourm fait littéralement exploser la Lune. D’autres sont incompréhensibles ou, à tout le moins, inexpliquées. Exemple : la séance de torture, quand on voit surgir des Indiens et des cowboys  (p. 122) !

Le roman de Gaétan Lebœuf est une succession de péripéties sur lesquelles il ne faut pas trop se poser de questions. La raison propose, l’imagination dispose. Ainsi, il ne faut pas se demander pourquoi les Simon-doubles dévalisent une banque dans le premier chapitre, ni comment Simon Yourm se retrouve sain et sauf, à la fin du livre. On ne saura jamais non plus comment le héros réussit à lire les pensées de ses doubles. Les différences psychologiques qui existent entre lui et les Yourm fanatisés ne seront pas expliquées. On en vient aussi à se demander pourquoi Lebœuf a créé un héros soi-disant inventeur, puisque Simon ne déploie ses talents qu’à la page 181. Et là encore, ce qu’il invente ne tiendrait pas debout dans la vraie vie. Cette scène du ballon qui camoufle la Lune ressemble d’ailleurs énormément à l’épisode de l’éclipse dans Le Temple du soleil (le but des personnages est le même : faire croire à une population qu’ils contrôlent la luminosité d’un astre).

Côté écriture, il y a aussi des défaillances. Le langage étant souvent confus, parfois à la limite du boiteux, on ne comprend pas toujours ce que le narrateur tente de nous dire. Certains effets de style ratent leur but :  (p. 28). Les mots sont souvent mal choisis. Les maximes qui truffent les répliques de Maude Syen parviennent néanmoins à être drôles à certains moments.

Gaétan Lebœuf s’est tout simplement lancé dans une entreprise trop difficile. Manipuler le concept du voyage dans le temps, en focalisant sur les effets des fameux paradoxes temporels, cela demandait une finesse que l’auteur n’a pas su puiser dans ses ressources.

Faute d’avoir écrit un bon roman, Lebœuf est quand même parvenu à bien illustrer trois thèmes. Le culte du Moi d’abord, entretenu ici par un Simon Yourm vieillissant qui en est rendu à mépriser tous ceux qui ne sont pas lui-même, au point de désirer les faire tous disparaître. Le rêve fasciste de l’uniformité aussi, nourri par les tyrans tous azimuts et les Adolf de toutes les époques. Enfin, l’éclatement schizophrénique de la personnalité : Simon voit ses doubles partout, mais ceux-ci sont différents de lui ; son individualité est kaléidoscopique, il ne sait plus très bien qui il est vraiment. Les deux premiers thèmes se rejoignent et la manière dont l’auteur les traite rappelle inévitablement un épisode historique réel : la prise du pouvoir en Allemagne par le Parti Nazi (éloge de la race aryenne, théorie de l’espace vital, extermination des Juifs).

On voit que je n’ai pas raffolé de Simon Yourm. Certains moins sévères que moi, ou plus jeunes, diront volontiers que c’est un roman complètement capoté. Moi, je crois plutôt que c’est un roman qui a capoté quelque part. Mais je me console en me disant que le projet de l’auteur, en écrivant son livre, était d’abord et avant tout de bien s’amuser. [DC]

  • Source : L'ASFFQ 1986, Le Passeur, p. 88-90.

Références

  • Janoël, André, Nos Livres, avril 1987, p. 21.
  • Lortie, Alain, Solaris 73, p. 53.
  • Marquis, Daniel, Des livres et des jeunes 27, p. 52.
  • Martel, Réginald, La Presse, 13-12-1986, p. E 4.
  • Mativat, Daniel, imagine… 40, p. 108-110.
  • Prescott, Monique, Lurelu, vol. 10, n˚ 3, p. 14-15.