À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Par une nuit de canicule, alors qu’il erre de par les rues d’une ville brésilienne en quête d’un peu de fraîcheur, un touriste se retrouve devant une porte mystérieuse. De l’autre côté du seuil, il trouve une festa où la caiprinha coule à flots, où la samba est lascive à souhait et où se manifestent les orisha, esprits issus de l’Afrique ancestrale : d’abord Oxalá, père des dieux, puis Oxam, déesse de l’amour et Yemanjá, déesse de la mer. La sirène remet à l’homme un peigne en argent et lui demande de la peigner. Puis, elle l’enlève, le temps d’un tour dans son royaume. Hélas pour elle et lui, elle ne peut l’y garder puisqu’il n’a pas péri en mer et qu’il n’est pas brésilien. Attristée, elle le ramène à la fête qui a alors perdu tout intérêt. Étouffant de chaleur, l’homme quitte les fêtards, avec dans la main le peigne de la déesse.
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Commentaires
Grand voyageur, Daniel Pigeon semble s’intéresser tout particulièrement à l’Amérique latine, comme en témoignent plusieurs de ses nouvelles publiées dans Stop, XYZ ou Les Écrits du Canada français. S’inspirant de la cosmogonie de la macumba, variante brésilienne du vaudou haïtien, il nous offre ici une très belle nouvelle dont le titre est emprunté à une chanson d’Antonio Carlos Jobim, l’un des pères de la bossa nova, popularisée par le regretté jazzman américain Stan Getz. Ce choix semble on ne peut plus judicieux, car Pigeon possède une écriture sensuelle, caressante qui traduit à merveille la douceur et la chaleur du saxo ténor de Getz.
Avec cette histoire toute en nuances, on plonge de plain-pied dans le réalisme merveilleux si cher aux écrivains latino-américains ; loin de nier cette influence évidente, Pigeon la revendique en se réclamant notamment du romancier brésilien Jorge Amado dans sa brève présentation. Évidemment, les amateurs d’intrigues complexes, réglées comme des mécanismes d’horloge, seront sans nul doute déçus – car le propos de Pigeon n’est pas là. Impressionniste, cette nouvelle dégage la même ambiance que ces rêves torrides dont on s’éveille toujours à contrecœur.
Dans un autre ordre d’idées, au risque de donner raison à ceux qui me reprochent ma supposée « rectitude politique », « Só danço samba » m’apparaît d’autant plus rafraîchissante qu’il est assez rare de lire sous la plume d’un auteur occidental un texte qui n’associe pas les rites religieux afro-américains à l’adoration du Malin, comme on le voit si souvent dans le cinéma et la littérature populaires. [SP]
- Source : L'ASFFQ 1992, Alire, p. 159.