À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Au XXIe siècle, le cosmos est définitivement conquis. Des fusées le sillonnent en tous sens et même certaines galaxies reculées ont été balayées par des télescopes géants munis de lasers à rayons gamma – ou peut-être de faisceaux à ultrasons. L’humanité a supprimé la guerre, les famines et les frontières nationales. Elle a aussi maîtrisé le climat, fait fondre les glaces du pôle, fertilisé les déserts et éliminé la ségrégation raciale. Le savant montréalais Pierre Gemmerse instaure même la journée universelle au moyen de réflecteurs solaires placés en orbite. C’est jour de liesse sur Terre, jusqu’au moment où la terre tremble et s’ouvre sous les pieds des fêtards québécois.
En effet, les séismes se multiplient depuis quelque temps et le gouvernement mondial offre à ceux qui en éclairciront la cause une récompense à la mesure du mystère : un mois de villégiature sur Uranus, planète idéale pour les vacances. C’est alors que les enfants de Gemmerse et de son collègue Louis de La Vigne, tous des garçons, conçoivent le projet de se rendre jusqu’au noyau central de la planète. Les jeunes chercheurs sont équipés de lasers pour forer la roche, mais des équipes de la Chine, de la Russie et d’ailleurs sont également dans la course.
Le voyage se déroule sans incident jusqu’à ce qu’une secousse scelle le chemin du retour et que les enfants rencontrent les Interriens, les natifs du centre du globe. Les villes des Interriens sont éclairées par le feu central – le soleil des profondeurs. Le benjamin de l’expédition, Charles Gemmerse, est d’ailleurs capturé par les Interriens et condamné à mort pour avoir cueilli une fleur, alors qu’il n’y a rien de plus précieux dans le monde intérieur.
Après avoir sauvé un savant interrien condamné pour avoir proposé que la Terre était ronde, l’aîné des Gemmerse tire Charles de prison en promettant à la reine Intralla des jardins entiers de fleurs. Les jeunes aventuriers découvrent enfin que les mystérieux séismes étaient provoqués par des bombes utilisées par les Interriens pour se frayer un chemin jusqu’à la surface. Ils peuvent donc revenir chez eux et recevoir le prix qu’ils ont bien mérité.
Enfin, ayant constaté les méfaits d’une illumination perpétuelle, Pierre Gemmerse rétablit l’alternance du jour et de la nuit, mais de manière désormais synchronisée partout sur la planète. Juste avant le départ pour Uranus…
Commentaires
Dans la science-fiction de Maurice Gagnon, l’organisation Unipax est équipée de plusieurs armes ou dispositifs futuristes, que l’auteur justifie brièvement ou point du tout. Gagnon s’attache surtout à la performance de ces innovations et, en les inscrivant dans un contexte technique d’un grand réalisme, il confère à ses extrapolations une vraisemblance extrinsèque.
En revanche, dès les premières pages du roman de Rolande Lacerte, celle-ci aligne les absurdités scientifiques sans se soucier de vraisemblance et sans même que cela soit nécessaire puisqu’il s’agit tout simplement d’établir que le roman se déroule dans un futur qui abonde en merveilles scientifiques. De toute évidence, Lacerte s’est livrée à un réel travail de documentation, mais la compréhension n’est pas toujours au rendez-vous de cette énumération des extrapolations contemporaines.
Le futur présenté par ce livre correspond néanmoins à une utopie assez authentiquement québécoise : paix, internationalisme et fin de tout racisme. Lacerte fait elle-même le lien : « Enfin les hommes “vivaient d’amour”, selon les dires d’un visionnaire canadien du XXe siècle, mort, ses frères avec lui, en prophétisant cent ans à l’avance cette chaîne d’amour qui un jour unirait tous les hommes. » (p. 14) Les protagonistes lisent même Le Néo-Devoir et l’habile « savant montréalais Pierre Gemmerse » doit sans doute quelque chose à Pierre Demers, physicien de l’Université de Montréal qui était alors à l’apogée de sa carrière et qui venait de participer à la fondation du Centre d’études prospectives du Québec.
Cet enracinement québécois ne sauve pas le roman. Le style est d’un convenu qui frise parfois le ridicule. Les jeunes héros sont sans relief et, jusqu’à l’arrivée chez les Interriens, l’expédition est décrite de façon si distante qu’il pourrait s’agir d’une promenade de plaisir. Les ultimes péripéties sont lourdement moralisatrices, soulignant deux fois plutôt qu’une la valeur relative des diamants et des fleurs dans un monde souterrain où les premiers sont communs et les secondes rares, ou bien la nécessité de respecter la quête du savoir des savants, ou encore l’inanité de différends reposant sur la couleur de la peau…
En définitive, Le Soleil des profondeurs n’a ni l’action soutenue des romans jeunesse contemporains de Maurice Gagnon et d’Yves Thériault ni l’intérêt humain des personnages de Suzanne Martel dans Surréal 3000. Il faut le classer parmi les efforts mineurs de la décennie. [JLT]
- Source : La Décennie charnière (1960-1969), Alire, p. 112-114.