À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
À la suite d’un putsch raté et d’un séjour en prison, Allen Sauriol, chef de l’Alliance populaire, prépare la résurrection de son parti. D’anciens compagnons se regroupent autour de lui, mais pas tous. Un nouveau venu, Rolland Rivaud, joint les rangs. (On comprend rapidement qu’il s’agit d’un agent planté par un fonctionnaire important qui surveille les mouvements de Sauriol.) Les objectifs sont clairs : « Ordre et justice. L’intégrité des institutions. Les vertus civiques. Le respect de la vie. » Cette fois, Sauriol opte pour le jeu électoral, bien que l’Alliance soit un mouvement et non un parti. On présentera une seule candidate dans un quartier défavorisé. Le slogan est simple : Ordre et justice. Pendant ce temps, grâce à une force de police interne, on règle différents problèmes reliés à la criminalité dans le quartier. On refuse (le mouvement et la candidate) le moindre contact avec la presse. À la surprise générale, la candidate de l’Alliance est élue. Malgré cette victoire, la presse est toujours écartée et le travail de reconstruction du quartier se poursuit. En même temps, on songe aux prochaines élections.
Des forces agissent dans l’ombre. D’abord, ce haut fonctionnaire qui, à toutes fins utiles, exerce un rôle majeur dans la sécurité gouvernementale. Ensuite, ce puissant et influent homme d’affaires qui suit l’évolution de l’Alliance depuis sa constitution, bien avant l’affaire du putsch, et qui reconnaît dans les idées du mouvement des idées similaires aux siennes. C’est aussi Rivaud, l’infiltré, qui n’est peut-être pas ce qu’on pense.
Quand arrive enfin la période électorale, l’Alliance est en mesure de présenter des candidats dans toutes les circonscriptions. Outre le travail de terrain effectué par la formation politique, un certain nombre d’événements (dont un incendie qu’on croira criminel) aideront à bâtir une image positive de l’Alliance aux yeux du public. Tant et si bien que lorsque le résultat du vote est annoncé, le parti de Sauriol se trouve à détenir la balance du pouvoir. Le parti au pouvoir croit que les députés de l’Alliance seront faciles à manipuler sinon à acheter, mais l’arrivée solennelle de ceux-ci au parlement avec, à leur tête, Allen Sauriol, annonce plutôt des jours nouveaux.
Commentaires
Suite de La Neige, Le Soleil est le deuxième volume d’une trilogie intitulée Saisons. N’ayant pas lu le premier volume, ce lecteur souligne que ses remarques ne valent que pour le présent roman.
Pierre Gélinas n’en est pas à ses premières armes en littérature – il a publié un premier roman en 1959 –, mais il a attendu ces dernières années pour récidiver avec une série qu’il a voulu radicale. Et radical est peut-être le terme qui convient le mieux pour caractériser Le Soleil. Je doute qu’un lecteur puisse rester indifférent à sa lecture. Car l’œuvre nous sollicite de bien étrange façon.
Pour tout dire, ce n’est pas à cause de l’événementiel (il n’y a pas de dynamique particulière à la construction), ni de son écriture (correcte, parfois bien troussée, toujours légèrement démodée et volontiers portée sur l’épigramme), ni de la peinture de ses personnages (qui resteront, malgré les efforts de l’auteur, des marionnettes que l’on agite en récitant leur texte), mais c’est plutôt par ses idées que le texte nous interpellera. À cause des choix qu’il nous force à faire. Et c’est sans doute ce que voulait l’auteur. Donc, premier round en faveur de Gélinas.
On peut lire le roman comme la montée d’un parti faciste dans un pays indéterminé (qui ne peut être que le Québec), dans une ville indéterminée (qui ne peut être que Montréal). Prévoyant les attaques dont elle sera victime, l’Alliance populaire repousse les accusations. Mais il est clair que c’est l’auteur qui parle. Les idées de l’Alliance et celles de son créateur littéraire coïncident totalement. Le combat de l’Alliance est le sien, les convictions des membres, les doutes, la douleur, sont aussi les siens. Il ne faut pas confondre décence et facisme.
Peut-être, mais cela ne nous empêche pas de relever que tout y est : hostilité face aux médias, activités souterraines, racisme, formation d’une milice (qui ne fait pas uniquement dans le décoratif). Pierre Gélinas parle plus souvent de décence que de justice (système de toute façon pourri, qui récompense le criminel et punit l’honnête citoyen). Le texte en quatrième de couverture mentionne la dénonciation des médias. Sans doute, mais ce n’est qu’une des cibles de l’auteur. Tout, ou à peu près, y passe, de la corruption du pouvoir à l’ingénierie sociale, en passant par la complaisance devant la criminalité et le génocide culturel. À cela, il oppose les idées véhiculées par l’Alliance.
Difficile, quelle que soit notre orientation politique et philosophique, de ne pas se positionner quand on lit la liste des dénonciations. Or, dans ce roman, se positionner contre l’Alliance, c’est rejoindre les rangs de l’ennemi. Nous sommes prévenus.
Je parlais plus haut d’une tendance à l’épigramme. C’est surtout dans ces phrases que les idées passent le mieux (mais c’est aussi une forme de propagande, n’est-ce pas ?). Quelques exemples : « La constance est la vertu des poltrons et la consolation des perdants. » (p. 48) « […] les politiciens promettent aujourd’hui de faire demain ce que rien ne les empêchait de faire hier. » (p. 173) « L’homme qui n’a pas d’ennemi n’a rien accompli, il n’est utile à personne, à commencer par lui-même. » (p. 178) Sagesse ou folie ? Au lecteur de décider.
Lire Le Soleil, c’est vivre un roman de la colère. Colère contre la stupidité, l’inaction, l’injustice. « Le cynique est celui qui refuse de mentir. » (p. 127) Au soir de la vie, il est plus que jamais temps de dire ce que la vie nous a appris. C’est ce qu’a fait Pierre Gélinas. Le message est lancé. Aux autres de l’entendre ou d’y rester sourd. Chose certaine, je lirai avec curiosité le prochain volume, Le Fleuve. Et pas nécessairement parce que je partage les idées de l’auteur. [GS]
- Source : L'ASFFQ 1999, Alire, p. 77-79.
Références
- Brochu, André, Lettres québécoises 97, p. 25.
- Hudon, Jean-Guy, Nuit blanche 78, p. 24.