À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Commentaires
Ces nouvelles seraient intéressantes si elles n’étaient pas si anecdotiques. L’auteure s’est obstinée à écrire de la fiction en s’inspirant de ses expériences de voyage alors qu’elle aurait été mieux avisée de narrer simplement ses propres aventures comme l’a fait brillamment autrefois Alexandre Dumas. Il aurait fallu aussi que les sujets choisis et leur traitement planent au même niveau que le style soigné, quoique légèrement emphatique et pleurnichard, qui caractérise ces nouvelles. Angèle Delaunois ne réussit qu’à enfoncer des portes ouvertes en abordant des thèmes maintes fois rebattus comme l’Holocauste ou les sorcières de Salem sans avoir rien de neuf à dire à leur propos. À quoi bon taper toujours sur le même clou quand des auteurs tels qu’Arthur Miller et Elie Wiesel l’ont fait avec bien davantage de conviction avant elle ? On a bien droit à quelques scènes prenantes mais l’ensemble demeure assez sage, « politiquement correct » pour tout dire. Le tout manque de tonus, le suspense n’est jamais très fort.
Ce recueil est peut-être destiné aux enfants mais s’ils sont parfois moins difficiles que les adultes, on ne doit pas présumer pour autant qu’ils sont dénués de goût. Je doute donc que même eux trouvent cela très passionnant. Sans compter que l’auteure ne maintient pas le même ton jusqu’à la fin, comme si elle visait avec le même recueil deux publics d’âge différent. Dans la cinquième nouvelle, elle tombe dans l’horreur en évoquant un viol, des tortures, des seins tranchés… Cela jure avec le reste qui pouvait être lu par de jeunes enfants.
On peut reprocher aussi à l’auteure d’avoir une conception assez discutable de la vengeance. Dans « Hannah », le fantôme d’une juive à qui on a arraché sa fille (allô Le Choix de Sophie) et qui est elle-même morte dans un camp de concentration provoque le décès violent d’un médecin nazi. Sauf qu’on se demande bien quelle justice sert cette vengeance posthume, des dizaines d’années plus tard, sur un nazi octogénaire qui a déjà un pied dans la tombe. De plus, si les esprits ont ce genre de pouvoir, il me paraît risqué d’exécuter de grands criminels qui pourraient devenir eux-mêmes des revenants revanchards. Delaunois n’a sûrement jamais vu le film The Frighteners.
C’est le même problème avec « Les Sorcières » où l’auteure raconte de façon assez plate l’histoire des sorcières de Salem tout en prenant évidemment leur parti. Mais on dirait qu’à la fin, elle a voulu faire sa petite Anne Rice en expliquant que la narratrice va châtier le lointain descendant de celui qui a persécuté son arrière-arrière-arrière-grand-mère. Doit-on en déduire que l’auteure est favorable aux vendettas familiales qui s’étendent sur plusieurs générations ? Serge Dalens, dans « Le Bracelet de vermeil », se montrait plus noble que cela.
Douteux aussi est « Le Maître des glaces » qui plairait certainement à madame Bardot et qui met en scène le spectre d’un chasseur de phoques qui doit expier ses fautes, de chasse évidemment. Rappelons qu’à l’époque des contestations contre le prétendu massacre des bébés phoques, la photo d’un homme levant un bâton sur un petit blanchon aux yeux de Cosette était un trucage. Lorsqu’on évoque de surcroît que le fait d’avoir laissé la population de phoques monter en flèche a provoqué un déséquilibre écologique, ce récit devient dès lors carrément risible.
Le fantastique, qui serait, selon certains, l’art de la transgression, devient plutôt ici un instrument au service d’idées généralement acceptées. Tout de même, « La Boîte égyptienne » est une nouvelle potable, la meilleure de tout le recueil bien que sa conclusion soit digne d’un roman Harlequin. [DJ]
- Source : L'ASFFQ 2000, Alire, p. 53-55.
Références
- Côté, Jean-Denis, Québec français 122, p. 105.
- Spehner, Laurine, Lurelu, vol. 24, n˚ 1, p. 40.