À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
[3 FA ; 4 SF ; 1 HG]
Le Dernier Fléau, de Natasha Beaulieu
L'Œil-de-droll, de Michel Bélil
Celui qui finit dans l'ombre, de Claude Bolduc
Visite au comptoir dénébolien, de Joël Champetier
La Pousse des bois, de Christian Martin
Ténèbres et Conscience, de Michel Martin
Révolte, de Richard Poulin
Ordinatours et Cie, de Marc Vaillancourt
Commentaires
Jusqu’à la fin des années 1990, la publication d’anthologies ou de collectifs était chose courante et il n’était pas rare d’en compter deux ou trois par année. Sourires, dirigé par Claude Bolduc, fait partie des trois collectifs/anthologies parus en 1994. L’ouvrage réunit un mélange de vétérans (Michel Bélil, Joël Champetier, Michel Martin) et de jeunes auteurs (Claude Bolduc, Natasha Beaulieu, entre autres). Une seule des huit nouvelles, celle de Richard Poulin, « Révolte », n’est pas inédite.
Ce n’est pas la présentation de Claude Bolduc qui nous fournira le fil conducteur du recueil. Je la reproduis in extenso : « Il en va des présentations comme des truites ; les plus courtes sont les meilleures. Tournez cette page… » Le titre, alors ? Il y a, en effet, dans la grande majorité des nouvelles, une légèreté de ton et plusieurs situations qui suscitent le sourire. Sous cet aspect, c’est sans doute « Visite au comptoir dénébolien » de Joël Champetier qui correspond le mieux au programme du titre. L’idée est originale, l’humour délicieusement décalé quoique le récit manque un peu de tonus.
Marc Vaillancourt, dont la dénonciation de la suprématie des valeurs marchandes rejoint l’esprit de la nouvelle de Champetier, pousse à fond la caricature, appuyée par une écriture survoltée.
La meilleure nouvelle, et de loin, du collectif est « Celui qui finit dans l’ombre » de Claude Bolduc. L’auteur a réussi un parfait dosage d’humour et de drame. L’angoisse qui s’empare du protagoniste poursuivi par le spectre de son ombre est contrebalancée par la description pétillante de la réception que donne Narcisse et la caractérisation des invités. L’amorce de la nouvelle est brillante, l’écriture multiplie les images saisissantes et évocatrices. Une réussite remarquable, l’un des meilleurs textes de la production de Bolduc !
Christian Martin, pour sa part, livre une nouvelle dont on retiendra surtout le propos social sous-jacent qui sauve la mise. « L’Œil-de-droll » de Michel Bélil ne compte pas sur cet atout pour éviter le naufrage. L’anecdote – les pénuries d’eau chroniques de l’île d’Orléans –, malgré quelques travestissements pour brouiller les pistes, reste trop collée au quotidien de l’auteur.
« Le Dernier Fléau » de Natasha Beaulieu constitue une déception. On ne saisit pas trop le but du propos environnemental de l’auteure qui, c’est clair, est moins à l’aise dans ce genre d’exercice aux enjeux sociaux et collectifs peu conséquents que dans l’exploration des zones sombres de ses personnages tourmentés et marginaux.
La nouvelle de Richard Poulin, quant à elle, pêche par sa fin un peu précipitée alors que l’auteur nous inonde d’informations sur cette société gouvernée par des femmes qui maintiennent en captivité un troupeau de mâles uniquement pour assurer la reproduction de l’espèce humaine. Le manque de maîtrise de l’auteur fait ressortir le côté misogyne de son texte. Sur ce terrain des dystopies féministes, les réflexions véhiculées dans les œuvres de Guy Bouchard sont beaucoup plus structurées et intéressantes que celles de Poulin.
Un mot, en terminant, sur la nouvelle de Michel Martin, « Ténèbres et Conscience », une parodie d’une relation épistolaire entre un auteur débutant et un directeur littéraire de revue qui s’avilit en menaces de la part du premier. Puisqu’une lecture de celle-ci peut donner à penser que le scribouilleur fantasme sur la mort de son ennemi et que le virus n’est qu’une invention de son esprit, cela l’exclut du corpus SF.
Somme toute, à l’exception de l’excellente contribution de Claude Bolduc et de l’apport correct de deux ou trois autres auteurs, Sourires réunit des nouvelles en deçà des attentes que suscitaient leurs signataires. Le collectif n’a pas la qualité de Sous des soleils étrangers (1989) ou de Transes lucides (2000), par exemple. [CJ]
- Source : L'ASFFQ 1994, Alire, p. 31-32.
Références
- Crusot, Jean, Horrifique 12, p. 61-62.
- Dupuis, Simon, Solaris 112, p. 34-35.
- Lemaire, Marc, imagine… 69, p. 85-87.
- Pomerleau, Luc, Temps Tôt 35, p. 54-55.