À propos de cette édition

Éditeur
Guérin
Titre et numéro de la collection
Angoisse et al.
Genre
Fantastique
Longueur
Roman
Format
Livre
Pagination
919
Lieu
Montréal
Année de parution
1998
ISBN
027601473637
Support
Papier

Résumé/Sommaire

En France, au xviie siècle, trois satanistes kidnappent nuitamment trois vierges qui tentaient de rejoindre leurs amoureux. Après leur avoir fait subir divers sévices sexuels, mais sans les dépuceler, les trois sorciers les livrent en pâture à une cohorte de démons à l’occasion de la Walpurgis.

À Montréal, de nos jours, trois sœurs célibataires habitant le même appartement mènent leur petit train de vie ordinaire tout en rêvant de mieux et en affrontant les problèmes du quotidien, qu’il s’agisse des emplois aliénants qu’elles occupent ou du petit copain alcoolique de l’une d’elles. Cependant, la routine est parfois rompue par des phénomènes étranges qui se produisent depuis leur plus tendre enfance, d’autant plus que l’une des sœurs a des dons médiumniques.

Les trois sœurs rencontrent trois hommes et tombent amoureuses. Ce sont des amis qui se connaissent depuis des années et des artistes riches et célèbres, le premier étant écrivain, le deuxième réalisateur et le troisième acteur. Gentils et aimables au début, ils deviennent rapidement des abuseurs qui terrifient les jeunes femmes. Pour leur échapper, elles ne trouvent rien de mieux que de les assassiner en faisant en sorte que cela ait l’air d’un accident.

Plus tard, trop tard, elles apprendront, par l’entremise de la sœur médium qui est contactée par l’esprit d’une amie décédée, que les trois hommes étaient malgré toute leur bonne volonté sous influence satanique. Si les sœurs les avaient aidés plutôt que de mettre fin à leur existence, ils en seraient venus à modifier leur comportement et les trois couples auraient vécu heureux pour le reste de leur passage sur cette terre. En fait, les artistes étaient les trois sorciers du xviie siècle réincarnés, et les trois sœurs, leurs victimes. Les premiers avaient envers celles-ci une dette karmique qu’ils se devaient de rembourser dans la présente vie. Désormais, ce seront les trois sœurs qui auront une dette karmique envers eux.

À la fin, elles périssent dans un spectaculaire accident d’automobile tout en apercevant les visages resplendissants d’amour de leurs petits copains qu’elles vont rejoindre en attendant de retourner dans le monde des vivants.

Commentaires

Il semble que, depuis quelques années, il y ait une demande pour le roman d’horreur mâtiné d’érotisme pervers écrit par des femmes. Il fallait donc s’attendre à ce que des auteures québécoises s’essaient au genre. J’avoue ne pas être un amateur du genre, mais je crois aussi que le travail d’un critique consiste à se montrer le plus objectif possible, indépendamment de ses goûts personnels. Par conséquent, je vous assure que si j’avais pu trouver des éléments positifs dans ce très gros roman, je vous le dirais. Malheureusement…

Commençons par les personnages. Ils sont stéréotypés, faits d’un seul bloc, surtout les hommes, les personnages féminins étant un peu mieux dessinés que leurs contreparties masculines. On accuse parfois les écrivains de créer des personnages féminins correspondant davantage à leurs préjugés et fantasmes qu’à la réalité. Les sœurs Fournier ont le même problème, mais dans le sens inverse. Les hommes dans ce roman sont vulgaires, imbéciles et violents et les femmes, bien sûr, sont intelligentes, belles et équilibrées. Cela aurait pu être un roman agressivement féministe si les trois héroïnes, à la fin, n’avaient été remises à leur place traditionnelle (dis-je ironiquement) de « méchantes » qui font du mal aux hommes. C’est un retournement de situation assez surprenant qui n’améliore pourtant en rien l’intrigue. Au contraire, c’est une véritable insulte à l’intelligence du lecteur, et la conclusion est amenée de façon tellement gratuite qu’on atteint là le degré zéro de la subtilité et de la vraisemblance.

L’écriture est correcte dans l’ensemble, mis à part quelques tournures de phrases irritantes et l’utilisation, à quelques reprises, de mots peu connus qui gênent la fluidité de la lecture, non pas que tout romancier se devrait d’adopter un style « grand public », mais disons que, parfois, les sœurs Fournier essaient de faire littéraire et qu’elles se plantent alors misérablement. Insupportables sont ces dialogues invraisemblablement « joualisants » parsemés d’expressions supposément savoureuses ou comiques mais qui ne réussissent qu’à paraître ridicules. Cela est d’ailleurs vrai de tous les dialogues. Même quand ils ne sont pas en langue québécoise, ils sont trop ampoulés ou irréalistes, comme dans le cas de ce personnage d’origine irlandaise qui parle un dialecte que l’on pourrait qualifier de « franglais ». Faux, faux, tout sonne faux. Les précédents reproches peuvent aussi s’appliquer aux scènes d’horreur qui sont nombreuses et dégoûtantes dans le mauvais sens du terme. On ne parle pas ici d’horreur artistique dans laquelle certains auteurs excellent mais des scènes elles-mêmes qui sont ratées.

Autre problème récurrent : les auteures narrent des événements extraordinaires sur un ton de banalité comme si cela allait de soi, que cela pouvait arriver à n’importe qui. C’est comme si elles nous disaient que c’est affreux, mais pas vraiment surprenant. Les héroïnes semblent peu terrifiées tout compte fait par ce qui leur tombe dessus, avec pour résultat que toute possibilité de suspense avorte. Cette façon de faire va à l’encontre d’un principe fondamental du fantastique qui veut qu’il soit préférable que le lecteur découvre progressivement le surnaturel en même temps que les protagonistes pour que la terreur s’installe peu à peu. Comment croire vraiment aux personnages de ces trois sœurs nouvelâgeuses et s’identifier à elles ? Il y a une scène dans laquelle l’agent littéraire de l’écrivain, Karl Guétry, lui reproche d’avoir, dans son dernier roman, « succombé à la tentation de se laisser glisser dans l’ésotérisme de pacotille », ce qui décrit exactement Sous la coupe du serpent. Il est rassurant de voir que les sœurs Fournier sont capables d’une autocritique inconsciente !

En fantastique, le personnage du diable est une véritable obsession, j’irais même jusqu’à dire qu’il est surutilisé. Il est présent dans ce roman, mais sous la forme la moins intéressante et la moins intelligente qui se puisse concevoir. Le serpent ancien devient ici un personnage risible, sans envergure, moins crédible encore que le traditionnel personnage en collant rouge. Depuis des siècles, des écrivains de grand talent réussissent à faire de l’art et à nous faire frémir avec ce sujet. Pensons à Screwtape Letters et à Voyage to Venus de C.S. Lewis, à Paradis perdu de Milton, à Faust de Goethe, au Diable amoureux, à La Divine Comédie de Dante, et j’en passe. Les sœurs Fournier sont en retard de plusieurs siècles. Il est évident qu’elles ne sont pas le moins du monde au fait de toute cette littérature. Cela dit, il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’un premier roman. Elles feront peut-être mieux dans le futur, mais il eut peut-être mieux valu qu’elles n’aient pas écrit, et surtout publié, celui-ci. [DJ]

  • Source : L'ASFFQ 1998, Alire, p. 77-79.