À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Un mur. D’un côté les hommes, de l’autre les femmes. Une mère se résout à traverser le mur pour placer sa fille déficiente chez Julius, un membre du clergé. Julius a déjà traité avec succès ce genre de cas. La jeune fille s’attache au sourire de l’homme et à son nouvel environnement ; elle fait des progrès. Mais voilà qu’un beau jour, la mère revient soustraire l’enfant à Julius…
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Commentaires
Les lecteurs de Bertrand Bergeron reconnaîtront dans cette histoire le mur représenté dans la nouvelle « L’Autre », parue en 1988 dans L’Année de la science-fiction et du fantastique québécois 1987. Le récit se déroule cette fois dans une église “mâle”, lieu de recueillement hautement apprécié dans un monde où le rythme accéléré de vie frise la démence. Ici, seules les voix graves des chanteurs, soutenues par une musique d’orgue, viennent secouer la profondeur du silence sans pour autant enlever à la sérénité des lieux. Ce calme contraste bien avec la fébrilité intérieure de l’enfant et la fébrilité de la ville, de l’autre côté des murs de pierre. Mais le conflit se joue à la frontière de deux autres mondes qu’une enfant ne peut concilier : physique et psychique. Un mur doit tomber : celui de la peur qui bloque toutes les issues, empêche l’harmonie et la communication (l’organiste a bien senti et traduit l’état d’esprit de l’enfant par des intervalles de seconde, de septième… Un passage absolument superbe.).
« La Soustraction » est découpée en sept parties qui se croisent sur le plan chronologique, se recoupent, se font écho. Le désordre organisé de la forme évoque celui de l’esprit troublé de l’enfant. Au lecteur de recoudre l’ensemble, d’enfiler les scènes, de déjouer les perspectives. Car l’auteur s’amuse à varier habilement ses voix narratrices, d’une partie à l’autre, donnant ainsi une vision multiple à l’événement : la même scène sera rendue par les yeux de l’enfant, par ceux de l’organiste, puis par ceux moins doux d’un homme venu se recueillir dans l’église. Tout se joue dans le regard, dans le geste, dans ce qui précède la parole. Par le regard, des émotions sont captées, d’autres libérées ; des distances sont abolies, par un simple sourire parfois…
Il m’apparaît dommage que dans le contexte de cette histoire (hommes vs femmes), les femmes décrites soient des êtres colériques, hystériques, instables. Les hommes représentés manifestent au contraire un calme quasi exemplaire. C’est là ma seule réserve. Car « La Soustraction » est un beau texte, d’une sensibilité palpable, qui rappelle que bien des enfants vivent aujourd’hui des choix impossibles à la suite de la séparation de leurs parents, ou des peurs qui les contraignent à s’emmurer. Mais rien n’est perdu. La fin de « La Soustraction » renoue ainsi, sur un ton humoristique, avec la fraîcheur de l’enfance. [RP]
- Source : L'ASFFQ 1990, Le Passeur, p. 18-19.