À propos de cette édition

Éditeur
Les Projets Void
Titre et numéro de la série
Le Trench
Titre et numéro de la collection
La Trench - 35
Genre
Science-fiction
Longueur
Feuilleton
Format
Fanzine
Pagination
8-39
Lieu
Saint-Lambert
Année de parution
2001
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Sire Cybert de Contregerme, un virus informatique sophistiqué, reçoit de Caspar la mission d’attaquer le Spectre de Morfarat. Pendant ce temps, Carybde et Eulenspiegel ont rendu l’âme. La conscience du Trench, dont la fin approche, se replie sur elle-même et il entend une voix qui appelle : « Éric ! » Son manteau l’avertit de la pénétration d’un virus dans ses circuits. Sire Cybert s’incarne aussitôt sur un champ de bataille grandement dévasté. Il rencontre un garçon qui lui dit s’appeler Éric et qui, après quelques hésitations, décide de se joindre à lui. Ils se lancent à l’assaut de la tour du Spectre avec un succès inespéré. À la base du bâtiment se forme une ouverture qui laisse passer une pieuvre gigantesque qui se révèle être le Spectre de Morfarat mais avec la tête du Colonel Crisp. Éric tranche d’un coup l’abominable excroissance… Avec la mort de tous ses ennemis, y compris son frère qu’elle a fait empaler, Cloé-Cléo devient la souveraine incontestée du Royaume d’Ornilamkipour. Mary Jane, enfin exorcisée du Spectre et de Crisp, retourne sur le Titanic avec l’intention d’avertir son compagnon avant que ne débute cette aventure. Elle en est empêchée par un membre de la Brigade qui l’informe des perturbations temporelles qu’elle pourrait ainsi causer. Renfrognée, elle assiste donc en qualité de spectatrice au naufrage du Titanic

Commentaires

J’avoue franchement que je ne m’attendais pas à ça. Le peu que j’avais lu provenant de la plume d’Alain Bergeron (ou plus exactement de son ordinateur, soyons moderne) me le faisait considérer comme un écrivain intelligent et sophistiqué. J’avoue que je craignais qu’il ait de la peine à s’infiltrer dans l’univers volontairement série B du Trench. Je ne doutais pas une seule minute qu’il produise un texte valable mais parviendrait-il à répondre aux attentes d’un fidèle lecteur de ces rocambolesques aventures spatio-temporelles ? Imaginons par exemple Harlan Ellison écrivant une aventure de Doc Savage… En définitive, mes petits préjugés minables se sont trouvés sans fondement. L’exemple précédent se retourne d’ailleurs contre moi si on considère qu’Ellison a écrit autrefois un scénario racontant la seconde aventure de Flint, le super agent secret joué par James Coburn, qui, s’il avait été réalisé, aurait donné un bien meilleur film que le produit qu’on a finalement jeté en pâture au public.

Le même phénomène se répète un peu ici. Bergeron se révèle être un excellent feuilletoniste qui sait utiliser avec efficacité, et humour surtout, les ingrédients de la littérature populaire tout en ayant trop d’imagination pour faire des concessions à la facilité et à la formule toute faite. Il sait nous réserver des surprises à chaque tournant. Il va de soi que les aventures du Trench n’ont jamais fait preuve de la moindre ambition littéraire ou artistique avouée. L’action et l’aventure priment. C’est l’imaginaire au pouvoir, saupoudré d’une bonne dose de comédie et de folie. Cependant, comme le sait tout amateur de romans écrits à la chaîne, des choses surprenantes peuvent parfois surgir d’un apparent manque d’ambition, comme l’ont toujours démontré des épisodes réussis, se démarquant du reste de la production, appartenant à des séries populaires comme Doc Savage, le Destroyer ou même Mack Bolan. Cette remarque ne s’applique pas fatalement au Trench dont la qualité d’ensemble est à peu près égale, mis à part le fait que les dernières livraisons sont quand même supérieures aux toutes premières aventures. 

Disons tout de même que sur ce canevas, Bergeron a brodé une saga effrénée que j’ai envie de qualifier de méta-paralittéraire en ce qu’il s’agit d’un texte qui, tout en appartenant à la littérature populaire sérielle, se place également au-dessus d’elle en la satirisant. Le cinéma n’est pas oublié avec des références directes au film Titanic et la présence de deux brutes épaisses nommées Sylvester et Arnold qui flanquent le fameux escroc Anselme Lutrin. Évidemment, c’est irrésistible pour un intellectuel de se moquer de ces deux acteurs à la saillante musculature. Le pauvre Trench, tombé entre les mains de ces trois tristes sires qui en veulent à son manteau, est fort heureusement secouru – et là le lecteur s’esclaffe – par le célèbre détective Charluck Onan Shoyle, délirante mouture du nom du célèbre limier et de celui de son créateur. Pensons aussi à Eulenspiegel, ce savant nazi fou, échappé d’un mauvais film d’horreur. Puis aux titres absolument délirants de certains chapitres : « Orlimanpi… Kour… Orli… Nalam… Onirlam… (et puis merde !)… »  ou « Indicible, cette horreur ». J’ai particulièrement ri à ce passage digne d’Abbott et Costello dans lequel le Trench et Cloé-Cléo, plongés dans le noir, s’interrogent longuement sur ce qui crisse sous leurs pieds avant de découvrir qu’il s’agit d’un « tapis » d’araignées. Il y a aussi le fait qu’après avoir quitté le Titanic, les deux Trench se retrouvent dans un monde de type «techno-médiéval», société qui, à moi, m’apparaît comme assez peu probable. Là encore, l’auteur effectue un retour ironique sur sa propre création par l’entremise d’un de ses personnages qui exprime son mépris pour cette petite civilisation en utilisant justement le terme susmentionné.  

Pourtant, au milieu de toute cette loufoquerie, certaines scènes font frissonner, entre autres celle où Mary Jane est paralysée et prisonnière dans un endroit où pullulent les arthropodes. D’autres passages suscitent chez le lecteur des sentiments d’inquiétude et de tristesse. Au fil de l’intrigue, le naturel dramatique et quelque peu pessimiste de Bergeron semble vouloir reprendre ses droits. Ainsi, quand le Trench affronte son amie Mary Jane et que tout semble définitivement perdu pour lui. C’est là-dessus que se termine la troisième livraison qui a laissé le lecteur que je suis « sur les nerfs ». Je pense également à cette quasi-révélation que fait Crisp avant de mourir en laissant entendre à notre héros qu’il y a, concernant ses origines, un effrayant secret qui le pousserait à se donner la mort s’il l’apprenait. On dirait un peu de l’Alexandre Dumas ou du Zevago. La conclusion est d’ailleurs plutôt sombre. Mary Jane, quoique délivrée aussi bien de l’esprit de Crisp que de celui du Spectre, assiste néanmoins, morose, au naufrage du célèbre paquebot sans être parvenue à apprendre où se trouve son ami le Trench. [DJ]