À propos de cette édition

Éditeur
Boréal
Titre et numéro de la collection
Inter - 30
Genre
Science-fiction
Longueur
Roman
Format
Livre
Pagination
233
Lieu
Montréal
Année de parution
1998
ISBN
9782890528864
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Les humains ont établi une colonie de huit cents personnes sur Syrtis, planète désertique à l’atmosphère très pauvre en oxygène, afin d’y découvrir de mystérieuses réserves d’eau qu’on dit dissimulées dans le sol. Un jour, Corinne, adolescente travaillant aux cultures et passionnée d’aquarelle, accompagne une équipe de prospection, espérant peindre un paysage extérieur. Séparée du groupe durant une brève tempête, Corinne renverse sa bouteille d’eau. Cela provoque l’irruption de fleurs fabuleuses, mais Corinne n’en voit rien, car elle a perdu conscience.

Pendant ce temps, sous le dôme de la colonie, on découvre qu’un des réservoirs d’eau a été totalement vidé. Des trous ont été percés dans la paroi, à partir d’une petite fissure existant dans le sol. Seul indice : une poudre jaune. Le réservoir est stérilisé sans qu’on ait pu étudier cette poudre. Lorsqu’un message tronqué est capté, annonçant le naufrage d’un vaisseau, les colons croient que leur ravitaillement en eau vient de disparaître. Le commandant Masson, militaire ambitieux, en profite pour proclamer la loi martiale et prendre le contrôle de la colonie. Le rationnement de l’eau est déclaré. Or, Corinne a découvert, sur son scaphandre, des résidus de cette « poudre jaune » qui, humidifiée, fait naître des fleurs. Corinne se souvient vaguement d’avoir aperçu de telles fleurs avant de perdre conscience lors de sa sortie. Et, surtout, elle se souvient avoir vu une ombre se pencher vers elle… Une créature indigène ? La jeune femme veut vérifier sa découverte, mais, lorsqu’elle tente de voler de l’eau, elle est arrêtée et condamnée au bannissement du dôme, ce qui équivaut à la peine de mort.

Cependant, à l’extérieur du dôme se trouve Ryss, un explorateur venu de Saar’ith, importante cité de Thyr. Les habitants de Thyr ignorent la présence des colons terriens sur leur sol, tout comme les humains n’ont jamais aperçu les indigènes. Ceux-ci puisent l’eau du sol au moyen des fleurs qui poussent en la présence combinée d’oxygène et d’eau. Corinne, exilée, rencontre Ryss qui lui montre comment survivre sur Thyr/Syrtis. Et le coup d’État du commandant Masson est contré par une rébellion des habitants, juste avant qu’ils apprennent que leur vaisseau ravitailleur n’a pas sombré. Mais avec la découverte effectuée par Corinne, le ravitaillement en eau devient moins préoccupant…

Commentaires

Durant la première moitié des années 80, quelques nouvelles furent publiées dans Solaris à la suite d’un atelier d’écriture pour auteurs débutants animé par Élisabeth Vonarburg en mai 1981. Ainsi avons-nous lu « Symphonie en gris » d’un certain Jean-Pierre Davidts qui disparut ensuite de la scène littéraire pendant plus de douze ans. Ce n’est qu’en 1994 qu’il devait réapparaître avec Les Contes du chat gris, publié dans la collection Boréal Junior. D’autres titres pour enfants ont suivi, d’autres contes, puis les aventures du Roi Léo – toutes des histoires ravissantes et très drôles mais relevant du genre merveilleux. Jean-Pierre Davidts avait-il donc abandonné la science-fiction ? Il semble bien qu’on ne puisse arracher tout à fait la SF du cœur d’un écrivain, puisque Davidts a publié en 1998 le roman Sur la piste des arénicoles.

Qu’est-ce qu’un « arénicole » ? « Qui vit dans le sable », m’apprend le Petit Robert. Avec un titre pareil, avec en couverture une illustration de style rétro qui renvoie à la SF des années pulps, Jean-Pierre Davidts ne s’est pas facilité les choses pour attirer le jeune lecteur, et même le lecteur adulte amateur de science-fiction. Pourtant, sachant Davidts lui-même amateur de SF et, qui plus est, ex-participant à un atelier d’écriture sur le genre, je ne pouvais croire qu’une couverture pareille ne fût pas d’un propos délibéré. Je ne me trompais pas. Il y a, dans Sur la piste des arénicoles, un petit côté bande dessinée, un je-ne-sais-quoi montrant que l’auteur ne s’est pas pris au sérieux et qu’il adresse à ses congénères adultes un clin d’œil par-dessus la tête du lecteur adolescent – sans pour autant manquer de respect à son premier public. Cela tient au double point de vue de la narration, peut-être : le personnage de Ryss examine les humains avec une distance qui rend le propos ironique. Ce Ryss, d’ailleurs, évoque pour moi les créatures indigènes comme on en trouve dans les albums de Christin et Mézières : des créatures à l’aspect physique très « autre », très réfléchi de la part des auteurs, mais dotées d’un comportement résolument humain, fait de sentiments que nous pouvons comprendre, de réactions que nous pouvons appréhender.

Les noms font très « Valérian » également : la planète Syrtis, le capitaine Sirban Ravelor, la cité de Saar’ith, Marrkha la fabuleuse… Sans oublier l’unidimensionnel commandant Masson, l’affreux militaire assoiffé de pouvoir, un méchant tellement ridicule qu’il provoque plus le rire que la crainte. Du reste, au moment où Masson pourrait devenir dangereux, l’auteur a mis suffisamment d’éléments en place pour qu’on ne s’inquiète pas du sort de Corinne. Cet affreux Masson est d’ailleurs le seul bémol à apporter au roman. Devant lui, on ressent un agacement qui n’a certes pas été voulu par l’auteur. Par contre, le plaisir de lecture, pour ma part, a été assez grand pour faire oublier les froncements de sourcils.

Mais, puisqu’il s’agit d’un roman pour adolescents, parlons de cet aspect de l’œuvre, du personnage très attachant de Corinne, de sa passion pour l’aquarelle, sorte de révolte paisible sur un monde où chaque goutte d’eau est précieuse et rend les œuvres ainsi réalisées encore plus singulières, de l’entêtement de la jeune femme qui la fait avancer inexorablement vers sa rencontre avec Ryss. Le personnage de Paul, fils du méchant, n’est pas non plus dénué d’intérêt, à cause des maladroits efforts du jeune homme pour sortir de l’ombre de son père. Mais, surtout, ce qui fait de Sur la piste des arénicoles un excellent roman pour adolescents, c’est que l’auteur ne prend jamais ses lecteurs pour des imbéciles. Il construit son intrigue par petites touches successives semées tout au long de notre parcours de lecture. Témoin la manière dont il résout le mystère du réservoir vide, sans jamais dire les choses mais plaçant les indices pour obliger le lecteur à reconstituer les faits et à tirer ses propres conclusions. Témoin également le mystère du vaisseau en perdition, qui se révèle être l’Altaïr III et non le vaisseau de ravitaillement – mais le lecteur doit encore additionner des preuves et des faits pour parvenir à cette conclusion. La « description » de Ryss demande également un effort de la part du lecteur, puisque ce personnage nous est montré d’abord de l’intérieur, ce qui oblige le lecteur à reconstituer l’aspect physique de Ryss à partir de sa façon d’agir et d’être.

Il est dommage que Jean-Pierre Davidts n’ait pas pris le temps d’évoquer de façon tout aussi vivante la ville de Saar’ith, l’univers et la société d’où vient Ryss, où il a grandi. Bien sûr, puisque le roman s’intitule Sur la piste des arénicoles, on doit supposer que les Thyrriens vivent dans le sable, mais plus de détails n’auraient pas nui au plaisir de lecture. Pour le moment, ce que l’on retient surtout des habitants de Saar’ith, c’est que le plastique constitue une matière précieuse à leurs yeux. La seule évocation des « salons » de Saar’ith m’a renvoyée aux navires de croisière luxueux imaginés par Christin et Mézières : des lieux peuplés de races fabuleuses… qui agissent comme vous et moi. Espérons que l’auteur s’est simplement trouvé trop à l’étroit dans le format du roman jeunesse, et qu’il nous livrera une œuvre tout aussi riche – mais plus complète – dans le cadre d’un roman pour adultes.

Car bien que Sur la piste des arénicoles se contente d’entrouvrir une porte sur l’imaginaire de son auteur, ce faisant, il laisse deviner tout ce qui pourrait en surgir pour notre ravissement. [FP]

  • Source : L'ASFFQ 1998, Alire, p. 65-67.

Références

  • Drolet, Jean-Denis, Lurelu, vol. 21, n˚ 2, p. 22.