À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Par inadvertance, un voyageur du temps sauve Vincent Van Gogh du suicide. Débarqué à Auvers-sur-Oise pour assister à l’événement, il manque de discrétion et dérange le peintre en plein travail. Quand Van Gogh l’interpelle, il lui répond, enfreignant ainsi l’une des règles les plus élémentaires auxquelles sont astreints les chronovoyageurs. De fil en aiguille, il le distrait de son projet plus ou moins conscient de s’enlever la vie. Pis encore, il lui demande de faire son portrait.
Le lendemain matin, le tableau terminé, il le paie (très cher), puis revient à son point de départ après avoir abandonné le reste de son argent à Vincent. Du coup, ce dernier sort de la dèche et monte à Paris sans tarder. Il débauche son frère Théo de la galerie d’art où il travaille puis lance la Galerie Van Gogh avec sa collaboration. En peu de temps, sa peinture s’expose, ses toiles font un tabac, la galerie devient une entreprise rentable. Sauf que dans l’opération, c’est comme si Vincent transférait sa folie à Théo.
Le temps passe, c’est le succès, la gloire et tout le tralala, tandis que Théo devient de plus en plus fou. Il finit par trucider femme et enfant, puis disparaît. Vincent liquide tout, arrête de peindre, se cloître dans son appartement parisien. Sa vie d’ermite citadin est à l’occasion divertie par quelques épisodes de sociabilité : il fait ainsi plus ample connaissance avec Paul Cézanne ; il passe même quelques jours chez lui en Provence. Des années plus tard enfin, il rencontre Picasso et devient l’amant de Fernande Olivier, concubine du grand maître catalan à l’époque. Coincé dans un jeu insensé, poussé à bout, il abat un Picasso encore dans la fleur de l’âge d’un coup de revolver, bouleversant ainsi des chapitres entiers de l’histoire de l’art de la fin du XIXe et du début du XXe siècle.
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Commentaires
Voilà un roman qui possède les éléments pour séduire des catégories très diverses de lecteurs. Il peut d’abord intéresser l’amateur de science-fiction puisqu’on a ici affaire à de la SF authentique. D’entrée de jeu, on croit qu’il s’agit d’une autre histoire de voyage dans le temps, mais on se rend vite compte que Pelchat donne plutôt dans l’uchronie. Loin d’abuser de l’immense potentiel conjectural du voyage dans le temps, l’auteur exploite cependant le procédé avec efficacité ; il en reprend même le paradoxe fondamental, que nombre d’auteurs de SF ont déjà examiné sous tous les angles : si le voyageur du temps intervient dans le passé et qu’il le modifie le moindrement, il s’ensuit que le présent de référence (le point de départ du voyageur) en sera affecté. Le thème uchronique vient alors occuper tout l’espace : « Et si Van Gogh avait échappé au suicide… ». Autrement dit, le voyage dans le temps engendre la première déviation de l’Histoire, en attendant que les protagonistes se chargent des suivantes. On baigne alors en pleine SF, même si on ne retrouve nulle trace de la quincaillerie associée au genre. Juste un récit proche de la vie, loin de la pacotille.
Les amateurs d’art forment une autre catégorie de lecteurs susceptibles d’apprécier La Survie de Vincent Van Gogh. L’érudition de l’auteur, sa connaissance étendue des milieux et des époques qu’il décrit lui permettent de représenter le peintre au confluent de plusieurs tendances, de lui faire rencontrer d’autres peintres ainsi que de mettre l’un et les autres en situation de comparer leurs conceptions de l’art. Aussi, les épreuves que traverse le Néerlandais l’amènent à développer, à formaliser sa vision de la peinture et de la vie. Pelchat prend ainsi des concepts et des abstractions pour les transformer en quelque chose de concret, de tangible, mieux, d’organique. Par exemple, quand il montre Cézanne en train de brosser un tableau, toute la personne du peintre, son attitude, ses gestes disent mieux que de savants exposés ce qu’il essaie de reproduire sur la toile, comment il s’y prend et comment il interprète la réalité. En tout état de cause, le roman est si court (il fait moins de 110 pages, en comptant les liminaires, les intercalaires et les pages de garde) que les considérations sur l’art ne peuvent pas traîner en longueur.
Enfin, l’amateur de littérature qui prend plaisir à découvrir un style, qui aime l’astuce, la personnalité, l’originalité d’une écriture trouvera sûrement son compte dans La Survie… L’extrait suivant donne un aperçu fidèle du style Pelchat : « Je dénoue la cordelette, retire le pinceau d’entre ses doigts tordus par l’arthrite, fais glisser le bout de polyester qui protège sa peau transparente et si fragile qu’on la déchirerait d’un coup d’œil torve. » Tout l’art de Pelchat est là : dans la même phrase exactement, il réussit à décrire la misère et la souffrance d’une vieille personne qui s’acharne à peindre coûte que coûte, le côté pathétique ou pitoyable d’une existence qui s’estompe, et en même temps, une formule finale ironique et suave désamorce le drame, éconduit le mélodrame, épargne au lecteur les tourments de la passion. De telle manière que celui-ci se paie une histoire pleine de malheurs et de rebondissements désagréables sans jamais perdre le léger sourire qui lui reste accroché aux lèvres malgré tout. Et puis, il faut bien le dire, Pelchat a du style, beaucoup de vocabulaire et des tas d’idées. Par conséquent, son roman devrait plaire à la grande majorité de ceux qui auront eu le petit bonheur de l’avoir tenu entre leurs mains. [RG]
- Source : L'ASFFQ 1999, Alire, p. 137-138.
Références
- Hince, David, Le Devoir, 27/28-02-1999, p. D 4.
- Malavoy-Racine, Tristan, Voir (Québec), 04/11-03-1999, p. 26.
- Martel, Réginald, La Presse, 07-03-1999, p. B4.
- Noreau, Pierre-Paul, Le Soleil, 10-04-1999, p. D2.
- Peterson, Michel, Nuit blanche 74, p. 13-14.