À propos de cette édition

Résumé/Sommaire
Tarmael a l’œil bleu, le cheveu blond, la mâchoire carrée et la poitrine large. C’est un guerrier, et un légitime aspirant à la Quête, long voyage d’initiation des jeunes hommes de sa tribu à la recherche de Reliques du temps d’avant le Grand Éclair, le temps de l’abondance et de la sécurité bien ordonnées. Loin de la Vir’nie sur son fidèle « six-pattes », il trouve une Relique, en affronte les Gardiens – dont un géant au faciès bestial – et s’enfuit. Le jour du Dévoilement, dans la tribu, il peut admirer la relique : « […] C’était une bouteille vide […]. » Et il peut entonner avec les autres la litanie d’adoration de l’Ancien dont l’esprit y réside : « COKE… COKE… COKE… COKE… COKE… »
Commentaires
On est en droit de se demander si l’auteur a voulu écrire ici une parodie des récits assez courants de l’époque mêlant postapocalypse et fantasy dérivée de Conan le Barbare, la première servant de prétexte aux débordements machistes de la seconde. Le texte est en effet précédé d’un exergue qui lui donne une orientation différente : « La possession représente les neuf dixièmes du problème », déclaration quelque peu anticapitaliste attribuée à un certain docteur Winston O’Boogie, et totalement à angle droit (ou gauche) avec le texte et son héros cliché, bon Aryen avide de satisfactions matérielles. Le paradis perdu évoqué par le catéchisme de la tribu n’a en effet rien de métaphysique : « L’existence luxueuse de ces gens protégés par les Grands Guerriers, dirigés par les Grands Parleurs, habillés, logés et nourris par les Grands artisans […]. »
Et ce que Tarmael espère de la Quête ne l’est pas davantage : s’il réussit, ce sera la gloire, la richesse et les femmes. Par ailleurs, une fois dans la caverne où se trouve la Relique, il se livre à un rituel propitiatoire qui en dit long aussi : il inscrit dans le sable « les lettres-sigles sacrées, emblèmes des plus puissants parmi les Anciens, ceux que l’on devait honorer les premiers », en les épelant à voix basse : « I-T-T-G-M-I-B-M-G-E ». Leur signification ne s’impose pas forcément tout de suite quarante ans plus tard, mais vous avez sûrement repéré IBM au milieu.
La chute du texte permet en tout cas de postuler que Beaulieu a lu ses classiques (de l’époque), Fredric Brown, Robert Sheckley ou Frederik Pohl, ces nouvelles politico-satiriques où des déchets de notre civilisation, après le Grand Boum, sont soit révérés comme des objets saints, soit interprétés comme tels par des extraterrestres en visite ou des archéologues d’un lointain futur. C’est un aspect de l’auteur qu’on connaît moins – Beaulieu s’affirmera au cours des années quatre-vingt plutôt comme un humaniste dans la veine de Simak ou de Sturgeon, avec son recueil de nouvelles, Légendes de Virnie, puis comme un auteur souvent tenté par le fantastique. On a affaire ici aux premiers pas d’un très jeune écrivain dont l’écriture commence à s’affermir, et qui cherche encore sa voix. Hélas, elle se taira peu à peu pour disparaître totalement avec le nouveau millénaire. [ÉV]