À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Dans une société primitive de batraciens (les grenouilles, comme les humains, sont anoures, c’est-à-dire « sans queue », à l’âge adulte), un jeune têtard à la transformation tardive sort seul du lac où il a éclos, se perd, et ne se laisse pas guider aveuglément par son instinct. Un autre marginal, plus âgé, l’aide à comprendre ce qu’il est, et lui enseigne comment survivre. Le têtard devenu grenouille choisit finalement de ne pas rester dans le cadre étriqué du village et devient à son tour un marginal, prouvant qu’il est aussi un mutant mental.
Commentaires
C’est, paradoxalement, la plus SF et la mieux écrite des trois nouvelles du collectif Orbite d’approche 3, bien que Julie Martel était encore fort jeune et que sa préférence est plutôt allée depuis à la fantasy pour filles.
L’aspect sociologique est fort bien décrit. L’anticonformisme est très bien… « métaphorisé ». Le sentiment d’être différent, l’incompréhension, le réprouvé comme bouée de sauvetage, tout cela trouverait sa place dans une littérature jeunesse qui pèche trop souvent par sa complaisance pour les plus bas instincts ou par sa mièvrerie. Ce têtard « retard » est l’archétype des adolescents qui pensent et, donc, se sentent ou sont perçus comme anormaux.
Cela dit, le décalage entre la vie presque uniquement naturelle de ces grenouilles et leurs capacités intellectuelles reste un peu bizarre. Même les plus « primitifs » des humains transforment davantage leur environnement et leur nourriture. L’absence presque totale de technologie nuit un peu à la vraisemblance de ce peuple.
L’agrément procuré par cette nouvelle tient en partie à ce qu’elle est structurée, linéaire et… écrite en français. Sans prétention, sans incorrections. Pour des lecteurs. Pas pour des professionnels de l’analyse littéraire structuraliste freudoïde néo-critique. C’est reposant. En cherchant bien, on peut déceler quelques imperfections mineures, comme des conjonctions en début de paragraphe, mais l’ensemble se tient très bien. [TS]
- Source : L'ASFFQ 1994, Alire, p. 124-125.