À propos de cette édition

Éditeur
Fides
Titre et numéro de la série
Compagnon du soleil - 3
Titre et numéro de la collection
intermondes
Genre
Science-fiction
Longueur
Roman
Format
Livre
Pagination
260
Lieu
Montréal
Année de parution
1976
Support
Papier

Résumé/Sommaire

À Xantou, Méani comprend qu’elle a assisté à l’arrestation d’Arkel qui n’a peut-être été possible que parce qu’il essayait de la consoler. Elle retrouve Ernal, un ancien ami d’Oakim qui a participé aux raids des Jeunes Fauves organisés par Drek et qui est entré dans les rangs de la police. Il s’arrange pour lui faire rencontrer Nanou, qui n’a plus qu’un contact ténu avec la réalité et qui fait partie d’un groupe sélectionné pour une luminothérapie. Méani découvre ainsi l’existence d’un bébé qui est sûrement le fils d’Oakim.

L’arrestation d’Arkel a forcé sa femme, Dafna, et son fils, Nam, à entrer dans la clandes­tinité, mais la mort précipitée du Chat a sauvé la Résistance et entretient l’esprit de contestation de la population de Xantou.

En Ditrie, Oakim est sauvé de l’exécution par le révolutionnaire avec qui on le confondait. Ce José l’emmène par monts et par vaux jusqu’à un village reculé dans les montagnes où le gou­vernement de la Ditrie n’a plus aucune autorité. Au sein des villageois, le Compagnon du Soleil fait l’apprentissage de leur vie fruste et pourtant joyeuse.

Quand Ernal constate que la rencontre de Méani et Nanou ne l’aide pas à retrouver Oakim, il ordonne par dépit le massacre de Nanou et de ses compagnons. Le jardinier Raxos meurt en essayant de les protéger, mais il a eu le temps de confier le fils d’Oakim à Méani, qui l’envoie dans une autre ville sous la garde d’une famille de réprouvés. Quant à Méani, elle est chargée d’une mission d’État en Ditrie, escortée par Ernal, afin de renforcer l’approvision­nement de l’Ixanor en sel de la Ditrie.

Les rebelles de Ditrie veulent assassiner ces émissaires de l’Ixanor, mais Oakim trahit leurs plans afin de sauver sa mère, ce qui entraîne la mort d’Ernal dans un accrochage avec les rebelles, mais pas avant qu’Ernal ait eu l’ultime plaisir cruel d’apprendre à Oakim la mort de Nanou. Entre temps, Nam a repris en main les Résistants de l’Ixanor, même s’il reste marqué par la préférence de son père pour Oakim. Afin de convaincre Oakim de revenir participer au coup d’État, Nam s’aventure à son tour en Ditrie, mais Oakim considère toujours que l’entreprise est vouée, dans le meilleur des cas, à n’adoucir que les conditions de vie des citoyens de l’Ixanor.

En fin de compte, Oakim ne se ravise qu’en apprenant que, lui, le fils de Kmir, a eu un enfant de Nanou. Il retourne donc en Ixanor, s’infiltre dans l’école des Compagnons du Soleil et sabote l’équipement de diffusion du Génie de Xantou qui occupe l’édifice voisin.

L’épilogue apprend au lecteur qu’un changement de régime a bel et bien eu lieu, mettant fin au bannissement nocturne des proscrits de la Lune Noire.

Commentaires

Le dernier tome de la trilogie complète l’histoire amorcée dans le prologue du premier tome. Néanmoins, l’intérêt du récit s’étiole puisque la liberté d’action des principaux personnages reste brimée par les circonstances ou les frustrations qui les minent. Les morts pèsent sur les vivants, jusqu’à engendrer une renaissance de l’espoir et de l’action. Corriveau conclut ainsi un roman sur le passage à l’acte (pas si éloigné peut-être du Hamlet de Shakespeare) et ce qui l’a rendu possible.

Sa trilogie apparaît dès lors comme un ouvrage moins dystopique qu’huma­niste. Ni révolutionnaire ni réactionnaire, le projet des Résistants s’enracine en fin de compte dans la sagesse chèrement acquise de ceux qui ont souffert et de ceux qui ont faibli. Du coup, Corriveau évite d’employer le mot « révolution », sans doute trop connoté à ses yeux. Oakim et Nam sont des héritiers trop imparfaits pour tout reconstruire et le nouveau régime devra s’appuyer sur des survivantes comme Méani, malgré leurs failles et leurs compromissions. C’est un choix narratif courageux, qui évite les facilités tant du cynisme que du messianisme.

Outre l’éparpillement des intrigues, la narration reste entachée de répétitions et contradictions qui témoignent sans doute de l’absence de relecture en raison de la précipitation de la publication. Ainsi, Ernal ignore d’abord que l’enfant d’Oakim a survécu au massacre des protégés de Raxos par les Jeunes Fauves, mais quand il meurt dans les bras d’Oakim, il est dit qu’il le cache sciemment à l’exilé.

Les changements de scène ne sont pas toujours indiqués et les changements de points de vue à l’intérieur d’une scène se multiplient pour évoquer tout ce que les personnages ne se disent pas, bâillonnés par la méfiance ou la prudence de mise dans un État répressif. Il en résulte une lecture hachée parfois pénible.

Aussi étranger en Ditrie qu’il l’était devenu en Ixanor, Oakim accepte l’exil et refuse d’abord de participer à la tentative de coup d’État des Résistants unifiés par Nam. S’il veut bien croire désormais à la possibilité d’un changement de régime, il s’est convaincu de la futilité de l’entreprise. Abattre le Génie n’établira pas la justice pour tous, mais il se laissera enfin persuader qu’un gouvernement plus humain supprimerait la cruauté de la Lune Noire.

L’exil en Ditrie aura appris à Oakim à faire confiance à la vie, mais c’est la révélation de l’existence de son fils, orphelin de sa mère et condamné à la Lune Noire, qui pousse Oakim à se raviser. Le retournement est rapide, car Oakim campe longtemps sur ses positions, mais il devient clair qu’il agit pour la liberté des autres afin d’expier l’égoïsme de sa jeunesse.

Son revirement est un choix politique indissociable de son histoire familiale, ce qui est sans doute voulu par Corriveau. Celle-ci conclut le roman non sur le récit d’un coup d’État réussi, mais plutôt sur les derniers moments avant le sabotage du Génie par Oakim.

L’attentat ne réussira que si le fils de Kmir accepte la possibilité de sa disparition. La méditation d’Oakim sur la peur de la mort correspond-elle aux réflexions de l’écrivaine face à sa propre fin ? Pour le lecteur averti, le roman en retire une charge émotionnelle parfois absente d’une narration omnisciente qui adopte un ton distancié, presque aussi neutre et incolore que les discours licites en Ixanor. Ce détachement convient au point de vue d’Oakim, plus enclin à l’analyse intellectuelle qu’aux effusions sentimentales, et il permet aux éléments tragiques de l’histoire de friser le mélodrame (l’amante d’un révolutionnaire devient l’épouse d’un héros de la répression, la femme d’Oakim succombe à une forme de folie plus littéraire que clinique, l’arrestation du Chat est rendue possible par sa bonté pour la mère d’Oakim) sans tout à fait y tomber.

La trilogie de Corriveau est en apparence moins radicale que des ouvrages contemporains comme Les Tours de Babylone (1972) de Maurice Gagnon, Les Princes (1973) de Jacques Benoit ou même La Faim de l’énigme (1975) de Patrick Straram. Pourtant, elle se montre plus extrême dans son réalisme ou son désabusement. Ni le primitivisme, ni la contestation enflammée, ni la révolution (étouffée ou non) ne suffisent. Face à une emprise plus totalitaire que les pires scénarios des autres auteurs québécois, Compagnon du soleil opte pour une éthique du désastre : si on ne peut espérer des lendemains qui chantent, il importe de sauver avant tout les faibles et les opprimés. [JLT]