À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
En 1997, dans l’une des unités de survie du Centre Georges V, Nouvelle-Zélande, Richard G. Somers sort miraculeusement d’un coma prolongé. Ses propos incohérents intriguent l’équipe médicale. En particulier, Claudia et Nadine voudraient bien savoir pourquoi Somers affirme être en réalité Christophe-Emmanuel Lambert, officiellement décédé à Sainte-Anne-des-Monts en 1984. Treize ans plus tôt d’ailleurs, la jeune Marianne est soupçonnée du meurtre. Même si les apparences sont contre elle, la mort s’explique par la récente irruption d’une Entité extraterrestre dans la vie de Marianne. Cet être immatériel se déplace dans le temps à volonté, mais pour se mouvoir dans l’espace il doit parasiter un être vivant.
L’Entité contacte Marianne pour lui annoncer que Christophe est vivant, mais qu’il faudra aller le chercher en 1997. Acceptant à contrecœur d’accomplir la mission et toujours habitée par l’extraterrestre, la jeune fille se suicide donc. Le voyage temporel qui suit n’est pas sans histoire. En bout de course, l’Entité se sépare d’elle et l’essence de Marianne s’éparpille dans un groupe de bactéries. Celles-ci se développeront ensuite jusqu’à répandre sur la planète une monstrueuse épidémie, seule façon pour Marianne de retrouver Claudia et Nadine qui la cherchent aussi. Après avoir interrogé Somers-Christophe, les deux jeunes femmes ont fini par comprendre l’effroyable menace qui pèse sur l’humanité. À la suite d’un curieux accident spatio-temporel, d’autres Entités se promènent dans notre environnement où elles entrent parfois en collision. En résulte un dérèglement général du temps. Les destins individuels se transforment, les catastrophes sociales se multiplient, l’Histoire s’effrite, la réalité fuit. Pour éviter la disparition de l’espèce humaine, il faut à tout prix effacer le point de départ de tous ces événements, c’est-à-dire permettre à Christophe de réintégrer son corps véritable.
Autres parutions
Commentaires
Il est très difficile de résumer un roman aussi court et aussi dense, dont l’intrigue complexe et peu orthodoxe se tisse d’autant de péripéties. On n’a vraiment pas l’occasion de s’ennuyer en le lisant. Les scènes sont courtes, le style est rapide et tranchant, les dialogues sont nombreux.
Et l’expérience débute avant même la lecture proprement dite. Le résumé de la 4e de couverture donne déjà le ton qu’utilisera Charles Montpetit pour l’ensemble du livre : « Résumé de l’épisode précédent. Il ne s’est rien passé. Du moins, c’est l’impression de Marianne. » Etc. C’est alléchant, percutant. Déjà humoristique aussi, tout comme la dédicace adressée à « la compagnie de recyclage de papier RÉCUPÉRATION ÉNERGIE, qui me donne bonne conscience ».
Bien sûr, Temps mort est la suite de Temps perdu publié par le même éditeur en 1984. J’avais aimé ce livre et je n’étais pas seul, car il avait abouti parmi les finalistes du Prix du Conseil des Arts. En quatre ans, Montpetit l’écrivain semble s’être encore amélioré, ce roman-ci étant supérieur au précédent à mon humble avis. Moins éparpillé que Temps perdu et plus resserré sur plusieurs plans, il gagne en efficacité et en intérêt. Jeunesse-pop a aussi un peu changé durant cette période. Si le premier livre était beaucoup plus présentable, matériellement parlant, que bien d’autres ouvrages qui l’avaient précédé, j’applaudis quand même les changements apportés depuis le numéro 64 à la maquette de la collection. Il reste aux Éditions Paulines à repenser cette règle arbitraire qui consiste à titrer chacun des chapitres d’une œuvre.
Tout comme Temps perdu, le dernier roman de Montpetit est essentiellement un jeu. Mais attention ! il s’agit ici d’un jeu où l’attention du lecteur est toujours maintenue en éveil et son intelligence constamment sollicitée. Une intrigue qui se fait puis se défait, des récits en alternance, des digressions nombreuses mais pertinentes, l’exploitation réussie – quoique parfois confuse – des fameux “paradoxes temporels”… Vraiment, l’auteur n’a pas voulu rendre la tâche facile à ceux qui le liront ! Humour et gravité se côtoient, mais c’est toujours l’aspect ludique qui prime. On n’y croit pas, en effet, à cette épée de Damoclès au-dessus de l’humanité, on sait que tout va se régler d’une manière ou d’une autre parce que tout est possible dans cette histoire. La désarticulation du temps, tragédie chez Philip K. Dick, est exploitée ici sur un tout autre mode. Rien n’empêche qu’on veuille avidement connaître la suite. D’un même élan, on pardonne à l’auteur ses quelques mauvais choix d’ordre lexical (« un tollé de protestations » p. 14, « Tu dois être plus ennuyante que je ne le croyais ! » p. 29). Et on loue plutôt des passages comme celui-ci : « Claudia enjambe un bonze étendu sur une natte de paille. Le surplis du moine empeste la gazoline ; un écriteau annonce : PROCHAIN SPECTACLE À 19H. » (p. 110).
Avec ses deux romans, Charles Montpetit nous fait entendre une voix extrêmement originale en littérature québécoise pour la jeunesse. Désinvolture, habileté, imagination et précision sont au menu. Tout ça est délicieux. Et malgré son titre, il n’y a aucun foutu « temps mort » dans ce bougre de roman parfaitement “sauté”. [DC]
- Source : L'ASFFQ 1988, Le Passeur, p. 110-111.
Prix et mentions
Prix du Gouverneur général (littérature jeunesse) 1989
Références
- Ferland, Guy, Le Devoir, 10-03-1990, p. D-1 et D-3.
- Gagné, Sylvain, Solaris 82, p. 19.
- Le Brun, Claire, imagine… 47, p. 82.
- Le Brun, Claire, Canadian Children's Literature/Littérature canadienne pour la jeunesse 59, 1990.
- Madore, Édith, Les 100 livres québécois pour la jeunesse qu'il faut lire, Québec, Nota bene, p. 213-216.
- Pelletier, Claude J., Samizdat 16, p. 50.
- Prescott, Monique, Lurelu, vol. 12, n˚ 1, p. 12.