À propos de cette édition

Éditeur
Nosé
Genre
Science-fiction
Longueur
Roman
Format
Livre
Pagination
211
Lieu
s. l.
Année de parution
1996

Résumé/Sommaire

Plusieurs personnes se rencontrent au manoir du baron d’Immerheiden dans la région de Strasbourg, dont un vieil abbé, un nouveau cuisinier et un pilote de la Première Guerre mondiale sorti de la tombe, le Baron Rouge. Il y a aussi une jeune femme, qui n’est ni une servante ni la vraie fille du baron d’Immerheiden, avec qui le pilote qui s’est présenté sous un faux nom fait l’amour avant de découvrir sous le château un réseau de tunnels parcourus par d’étranges bêtes. Son amante lui apprend qu’elle est la fille d’un Gerfaut, c’est-à-dire d’un homme qui aurait le pouvoir de voyager dans le temps. Cette catégorie de personnes semble aussi pouvoir projeter son esprit dans le corps d’autrui, en d’autres lieux et d’autres temps, et elle serait associée aux collaborateurs sur Terre des Kryradoriens, des extraterrestres.

Changement de décor. Jean-Baptiste Wigmore, un adolescent épileptique plus ou moins en visite dans la région de l’Estrie, découvre l’existence d’un boucher qui participe à la chasse aux talpins, ces animaux bizarres qui hantent des galeries souterraines et qui fournissent des organes appréciés par les Kryradoriens. Le boucher Martineau vend aussi leur chair à des initiés de la région, car il s’est constitué un petit cercle de personnes au courant de l’existence des extraterrestres.

Après sa rencontre avec les Martineau, Wigmore a connu une absence (mentale ou physique) de plusieurs mois qui correspondrait à un séjour dans le tjak nûn, dont la nature reste floue. S’agit-il de tourbillons spatiotemporels qui répartiraient l’identité de la personne affectée sur plusieurs époques et dans plusieurs corps ? Ou du plan de la réalité qui engendre ces tourbillons ?

Le docteur Morgenblut, neurologue ou « névrologue » qui arrache les yeux de ses patients, fait le lien entre le récit strasbourgeois et le récit estrien. Wigmore se retrouve à son service en 1979, en tant que cocher d’un carrosse qui sert de taxi pour des joueurs invités aux parties organisées par Morgenblut.

Commentaires

Le texte de Richard s’interrompt assez brusquement. L’histoire des personnages n’est jamais racontée de manière suivie et elle est compliquée par des ellipses volontaires et des pages en désordre (sans doute involontaires). Certains passages de la narration se déroulent dans les rêves de personnages qui hallucinent, peut-être déchirés entre plusieurs réalités distinctes. Des illustrations et des fragments poétiques s’intercalent entre les parties du texte.

Selon les éditions de cet ouvrage rarissime, auto-édité à un très petit nombre d’exemplaires, il y a (ou non) un prologue qui explique que le corps du texte est tiré d’un texte fragmentaire produit sur des feuilles de zinc par des extraterrestres qui s’appellent les Kryradoriens.

S’ils ont quelque chose à voir avec les dislocations temporelles du tjak nûn, les Kryradoriens pourraient faire écho aux Trafalmadoriens de Kurt Vonnegut dans Slaughterhouse Five. Toutefois, le roman déstructuré de Vonnegut est un chef-d’œuvre de clarté comparé au fatras tarabiscoté de Richard.

La prose de l’auteur promettait mieux, pourtant, mais l’absence d’une intrigue se fait cruellement sentir. L’usage sans concession de répliques en allemand ou en anglais dans le texte, certaines descriptions bien frappées et un parti pris de réalisme cru, qui se moque de toute pudeur, confèrent souvent aux scènes individuelles une force indéniable. C’est l’ensemble qui pèche.

En effet, le refus presque constant d’expliquer, le caractère sommaire des quelques explications et la succession de personnages qui n’assument qu’épisodiquement le rôle de protagoniste réduisent en définitive le texte à une série de fragments qui n’arrivent pas à soutenir l’intérêt du lecteur. La tension engendrée par le début de l’histoire de Jean-Baptiste qui joue l’intrus dans un party de chalet retombe rapidement parce que le fragment suivant démarre dans une autre direction. Il manque au texte de Richard un point d’arrivée, si bien qu’il prend les traits d’une série d’exercices d’écriture rédigés sous l’emprise d’une drogue ou d’une incapacité psychologique d’emboîter les morceaux jetés à la tête du lecteur.

Richard ne fait pas de ses extraterrestres des sauveurs de l’humanité ou des bourreaux attachés à sa perte, mais c’est rarement bon signe qu’un roman de science-fiction prenne pour sujet la présence sur Terre d’extraterrestres qui se cachent. La règle se confirme dans cet ouvrage dont l’inspiration reste primaire et l’exécution s’avère désolante. [JLT]

  • Source : L'ASFFQ 1996, Alire, p. 170-171.