À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Des scientifiques de l’université de Cincinnati expérimentent avec succès leur Chronomachine. Une fois de retour, le premier voyageur du temps raconte ce qu’il a vu et vécu lors de son bref séjour dans le futur. Afin de préserver l’intégrité de l’Histoire et de tromper les voyageurs temporels devenus encombrants, les hommes du futur ont mis en place un système social déconcertant, incompréhensible. Depuis longtemps, ils attendaient la venue du premier voyageur… qu’ils réussissent à convaincre de la nécessité de ne point réitérer l’expérience. Le voyageur informe ses collègues du drame des générations à venir. Mais son récit paraît si invraisemblable que l’on refuse d’y porter crédit.
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Après un retour remarqué à l’écriture – « Geisha Blues » a remporté l’an dernier le Boréal et le Grand Prix Logidisque de la SF et du fantastique de la meilleure nouvelle –, voici à nouveau le tandem Guy Sirois/Jean Dion dans une satire tout simplement irrésistible. Les auteurs dénoncent quelques travers de la société contemporaine et ridiculisent l’attitude de certains individus et de certains groupes sociaux. « Au sein du petit groupe de chercheurs de la Chronomachine brillaient avec éclat les qualités qui poussent depuis toujours la recherche en avant : l’orgueil, l’envie et la jalousie. »
Le voyageur du temps, appelé « tortue » ou « saury » par les hommes du futur, met pied sur le trottoir d’un monde littéralement "déformé" (nous n’en reconnaîtrons pas moins le profil du nôtre…). John espère passer inaperçu : il déambule naïvement dans les rues en quête de quelque indice, sa feuille de route en poche et des interrogations plein la tête. Comment expliquer, par exemple, que les artistes en soient venus à se battre au milieu de la rue ?
Tout, dans « La Tortue sur le trottoir », est agréablement distordu par l’humour : les situations décrites relèvent tantôt de l’absurde, tantôt du surréalisme – imaginez un troupeau de bœufs dévalant les rues de Cincinnati à heure fixe, un couple dépliant chaque soir son appartement et se pâmant devant un écran embrouillé de télévision, des types poursuivant un chocolat entre les jambes des passants, ou une faculté d’Histoire érigée en plein terrain vague sur une estrade de pneus, etc. –, les réflexions du pauvre narrateur (on le croit toqué) sont remplies de sous-entendus que le lecteur prend grand plaisir à décoder et les personnages frôlent la caricature.
« La Tortue sur le trottoir » apparaît comme un amusant clin d’œil à La Machine à explorer le temps de Wells. Michel Martin opte lui aussi pour le récit dans le récit, qu’il sait tout de même traiter avec originalité. L’auteur manie la plume avec la dextérité qu’on lui connaît et montre une grande habileté à jongler avec le paradoxe temporel. « La Tortue sur le trottoir » nous permet enfin de découvrir le talent de satiriste de l’auteur. Un auteur bicéphale qui n’a, de toute évidence, pas fini de nous surprendre. [RP]
- Source : L'ASFFQ 1989, Le Passeur, p. 131-132.
Prix et mentions
Prix Boréal 1990 (Meilleure nouvelle)