À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Antoine DeCourcelle est la nouvelle star de la littérature. Mais son succès, il le doit à un ordinateur qu’il alimente d’un vidéodisque laser sur lequel il emmagasine ses souvenirs de voyage. À partir de cette matière romanesque brute, l’appareil compose des œuvres qui ont la faveur du public. Le seul inconvénient, c’est qu’Antoine se trouve ainsi dépossédé de sa mémoire…
Commentaires
Il y a quelques années, l’arrivée des ordinateurs a suscité beaucoup d’interrogations dans le milieu littéraire. Est-ce que cet appareil n’allait-il pas transformer l’écriture, sinon les habitudes de travail des écrivains ? On sait en tout cas qu’il ne remplace pas l’imagination et qu’il n’est pas près de se substituer à l’écrivain comme c’est le cas dans la nouvelle d’Andrée Lotey.
L’auteure s’est sans doute inspirée de cette préoccupation pour concocter l’histoire de « Trafic ». L’ordinateur y occupe une place de première importance car il est l’interface essentielle du rapport de l’écrivain à l’écriture. En somme, l’auteure démontre que la création littéraire est une affaire de mémoire, non pas la mémoire technologique de l’ordinateur, mais la mémoire vive de l’être humain. Le trafic auquel consent Antoine est un marché de dupes car il se rend compte trop tard que l’« écrivaine technologique » s’empare de ses souvenirs, le laissant dépossédé de son passé, complètement coupé d’une partie de lui-même.
Le traitement de « Trafic » en fait une nouvelle de science-fiction mais son thème est typiquement fantastique. En fait, Andrée Lotey propose une variation sur le mythe de Faust. Antoine qui cède ses souvenirs à son ordinateur pour la gloire qu’il lui procure, n’est-ce pas Faust qui vend son âme à Méphisto pour une éternelle jeunesse ? On peut également voir dans cette nouvelle intéressante et efficace une allégorie sur la condition de l’écrivain qui, en se mettant à nu au profit de ses lecteurs, se trouve dans une situation d’extrême vulnérabilité et en danger de perdre son identité.
« Trafic » constitue la première nouvelle publiée par Andrée Lotey. Comme elle est tirée d’un recueil que l’auteure a rédigé dans le cadre d’une maîtrise en création littéraire, la rédaction d’imagine… nous en promet d’autres. Si elles sont de même calibre, on ne s’en plaindra pas. [CJ]
- Source : L'ASFFQ 1991, Le Passeur, p. 110-111.