À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Armide est un jeune changeur, dans le sens où il a la faculté de modifier son corps et de transformer les objets ; il vit dans un monde de magie, mais aussi de guerres perpétuelles entre son peuple et la Dame Blanche. Robyau, quant à lui, fils d’un sabotier, vit dans le monde réel. Les destins de ces deux personnages vont se croiser par hasard. En effet, un jour que Robyau marche dans les bois, il assiste à un bien curieux spectacle qui le remplit de stupeur. Les mondes ont été bouleversés un instant et il a assisté à un combat entre immortels. Toutefois, lorsqu’il veut partager sa vision, il ne se heurte qu’à l’indifférence et à la moquerie. On finira par le trouver trop bavard et sa vie sera en danger.
C’est en essayant de fuir ceux qui veulent lui faire un mauvais parti qu’il rencontre Armide qui, de son côté, a été envoyé par son père pour combattre la Dame Blanche. C’est d’abord Armide qui sauve Robyau de la mort en se faisant passer pour lui. Après qu’on ait infligé au faux Robyau sa sentence, c’est ensuite le véritable Robyau qui sauve Armide en le ressortant à temps de la rivière où on l’a jeté. Ensemble, ils vont tenter de réaliser la mission d’Armide et de réhabiliter le nom de Robyau.
Commentaires
On a l’habitude des romans jeunesse où le héros, par la voie d’un objet magique quelconque, se retrouve dans un monde enchanté. Plus rarement toutefois assiste-t-on à l’inverse : un personnage tout droit sorti d’un monde de magie qui passe le portail entre les deux mondes et part en mission dans le monde « désenchanté » comme il est appelé dans l’univers d’Armide. C’est là une prémisse originale et fructueuse, puisqu’elle nous permet d’avoir le point de vue inverse : comment apparaît notre monde aux yeux d’un magicien.
Les deux personnages sont crédibles. Celui d’Armide est attachant, avec ses réticences devant le monde des mortels et aussi sa lente prise de conscience de la condition humaine. Il est logique que l’auteur ait songé à lui donner une identité ambiguë, puisque cela est en accord avec ses talents de changeur et sa capacité de régénération : si la plupart du temps il est de genre masculin, on le voit aussi adopter une identité féminine et même prendre l’apparence d’un ange asexué. Quant à lui, Robyau, jeune garçon du Moyen Âge, est dessiné en quelques traits vifs, et son environnement est vraisemblable et sa représentation, potentiellement instructive.
Différents autres personnages viennent compléter la liste. Ceux-ci sont toutefois unidimensionnels par rapport aux deux personnages principaux et sont en fait réduits à leur seule fonction ou à peu près : il y a la comtesse, le religieux, les baladins, le jeune clerc, etc. Cependant, en se superposant les uns sur les autres, ils ajoutent du relief au récit, contribuent à l’ambiance médiévale du texte et permettent de suggérer comment s’articule la hiérarchie sociale.
Le récit est vivant et le roman est habilement structuré. Et les titres des chapitres sont plutôt amusants. L’alternance entre les deux mondes, qu’on rencontre au début, crée un effet de suspense et donne à penser que les deux protagonistes finiront bien par se rencontrer. Par la suite, ils constituent un drôle de duo, réunis pour affronter l’ennemi, mais aussi pour gloser sur les charmes comparés de leurs deux mondes. L’histoire, vu les éternelles modestes dimensions des romans publiés par Médiaspaul, est réduite à sa plus simple expression et est quelque peu superficielle, mais l’auteur sait tirer parti d’un espace matériel réduit, si je puis dire, et arrive à suggérer ce qu’il ne peut raconter exhaustivement.
Avec ce roman, l’auteur remplit son pari de camper dans un même lieu quatre romans pour la jeunesse appartenant à des genres différents : le roman policier (Un printemps à Nigelle), le roman historique (Un été à Nigelle), le roman de science-fiction (Un hiver à Nigelle) et maintenant la fantasy. Ironiquement, c’est dans ce dernier ouvrage (mais l’auteur a inversé les saisons quant à l’ordre de parution), soit dans le moins réaliste de tous, que l’auteur a choisi de livrer les clés les plus claires quant à l’emplacement réel de la ville (on retrouve même une carte avec de véritables toponymes) qui lui a peut-être inspiré Nigelle. On peut dire que la boucle est bouclée. [SBé]
- Source : L'ASFFQ 1998, Alire, p. 174-175.
Références
- Desroches, Gisèle, Le Devoir, 19/20-06-1999, p. D 10.
- Spehner, Laurine, Lurelu, vol. 22, n˚ 1, p. 40.