À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
[3 SF ; 1 HG]
L'Arbre
Miroirs
L'Énergie des esclaves
Un fantôme d'amour
Commentaires
Deuxième recueil pour René Beaulieu en 1997, cette plaquette regroupe trois nouvelles versions de textes SF parus dans les années quatre-vingt ainsi qu’une nouvelle inédite (qui donne son titre au recueil mais n’appartient à aucun des genres répertoriés dans L’ASFFQ). Après un silence relatif qui a duré plusieurs années, voilà ce qui pourrait véritablement s’appeler un retour. Retour aux sources, pourrait-on ajouter en pensant à Un fantôme d’amour.
Que dire, si ce n’est qu’il fait plaisir de retrouver certains des titres qui ont fait l’histoire (certains diraient la préhistoire) de la SFQ, d’autant plus qu’ils ont été retravaillés (parfois considérablement, comme dans le cas de « Miroirs ») et répondent davantage aux exigences littéraires de l’écrivain Beaulieu des dernières années. (En passant, bien qu’elle n’appartienne pas à nos genres de prédilection, la nouvelle titre vaut le déplacement. On y retrouve la même humanité et la même délicatesse de sentiments qui est la marque de fabrique de René Beaulieu, mais dans un décor réaliste. À ma connaissance, c’est son premier texte mainstream.)
On a dit, dans l’édition 1990 de L’ASFFQ, tout le bien qu’il fallait penser de « L’Énergie des esclaves », texte noir à souhait ; inutile, donc, d’y revenir.
« Miroirs », pour sa part, pose le problème de la justification de l’inceste. Ici, contrairement à plusieurs de ses ancêtres littéraires (« No Land of Nod » de Sherwood Springer, « Lot’s Daughter » de Ward Moore et « Mother to the World » de Richard Wilson reviennent en mémoire), cette justification n’est pas liée à la survie de l’espèce. Si le père accepte de s’unir à sa fille, c’est uniquement parce que celle-ci en fait la demande répétée. Raison : sachant la mort de son père proche, elle ne peut envisager la perspective de se retrouver seule à attendre des secours qui prendront encore des années à arriver. Comme telle, la nouvelle ne respecte pas la règle de Sturgeon (« Si l’argument science-fictionnel peut disparaître sans que le texte s’écroule, on n’a pas affaire à de la science-fiction. »), dont pourtant l’auteur se réclame. Il est évident, en effet, que toute l’histoire aurait pu se passer au début du siècle, sur une île déserte. Cette réserve ne vient cependant qu’une fois la lecture terminée, tant c’est l’humanité profonde des personnages qui retient notre attention. (Cette remarque vaut aussi pour plusieurs autres textes de Beaulieu où l’argument SF résiste difficilement à l’analyse, n’en déplaise à ceux qui préfèrent le cœur de l’atome à celui de l’humain.)
Quant à « L’Arbre », il faut bien reconnaître qu’il s’agit d’un texte mineur, bien écrit certes, mais sans conclusion réelle, et dont la seule raison d’être est d’introduire les histoires qui suivent (« En voici quelques-unes », dit la phrase finale). On peut s’interroger sur la pertinence d’une telle introduction quand les autres textes sont thématiquement si peu liés.
Une petite note négative (il en faut bien une) pour faire suite à ce que je viens d’écrire : le manque d’unité. C’est, de l’avis du soussigné, une caractéristique que ce volume partage avec les précédents recueils de Beaulieu (Légendes de Virnie et Les Voyageurs de la nuit). Dans Légendes…, les textes du cycle de Virnie côtoyaient d’autres nouvelles assez artificiellement réunies sous le titre de Contes de l’Arbre. Dans Les Voyageurs…, c’était deux textes majeurs (« Dernier Chant » et « Les Voyageurs de la nuit ») qui étaient séparés par une poignée de brèves nouvelles d’intérêt inégal. Doit-on voir là des contraintes éditoriales – « Ce n’est pas assez long pour faire un volume » – ou bien des intentions expresses de l’auteur ? Dans le dernier cas, j’avoue ne pas comprendre tout à fait.
Quoi qu’il en soit, on annonce pour bientôt la republication du cycle (complet, cette fois) des Légendes de Virnie aux éditions de l’À Venir. Voilà une excellente nouvelle qui devrait réjouir les fidèles lecteurs de René Beaulieu. [GS]
- Source : L'ASFFQ 1997, Alire, p. 11-12.
Références
- Champetier, Joël, Solaris 124, p. 30.
- Martin, Christian, Temps Tôt 46, p. 40-41.