À propos de cette édition

Éditeur
Médiaspaul
Titre et numéro de la série
Les Saisons de Nigelle - 4
Titre et numéro de la collection
Jeunesse-pop - 124
Genre
Fantastique
Longueur
Novella
Format
Livre
Pagination
158
Lieu
Montréal
Année de parution
1997
ISBN
9782894201039
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Nous sommes en France, en mars 1936, dans la petite ville de Nigelle, au sud-ouest de Paris. Berthiaume Jousset et son ami Léon Bergougnoux reviennent d’une excursion de pêche lorsque, dans la cour d’une maison abandonnée, ils tombent sur un étrange spectacle. En pleine nuit, une femme inconnue peint un tableau avec pour modèle une jeune fille assise entre cinq flambeaux. Comprenant confusément que cette jeune fille est là contre son gré, les deux garçons interrompent la séance. L’inquiétante peintre fuit, abandonnant la jeune fille à Berthiaume et Léon. Cette dernière s’avère tout aussi mystérieuse. S’exprimant avec un accent inconnu, elle a perdu la mémoire. Elle n’est même pas sûre qu’Isabelle soit vraiment son prénom.

Pendant qu’Isabelle se dissimule dans la maison abandonnée où a eu lieu l’étrange séance de pose – maison qui appartenait à Stavisky, escroc célèbre qui a fait la manchette en France entre les deux guerres –, Berthiaume et Léon cherchent à découvrir l’identité de la peintre, seul moyen pour eux de savoir réellement qui est Isabelle et où sont ses parents. Les deux enquêteurs en herbe découvrent que la peintre s’appelle Coralie Chouquet, propriétaire d’une boutique d’antiquités. Ils découvrent aussi que Coralie Chouquet est en réalité une gorgone, malfaisante créature quasi immortelle qui ne tarde pas à envoûter les adolescents. Ils ne sont plus maîtres de leurs gestes, ni de leurs paroles. Ils comprennent, un peu tard, que c’est pour se rajeunir que la gorgone avait absorbé magiquement la mémoire d’Isabelle, une juive exilée d’Allemagne à la suite de l’arrivée au pouvoir des Nazis. Puisque c’est par leur faute que la séance originelle avait été interrompue, Berthiaume et Léon seront ses prochaines victimes. À moins qu’Isabelle comprenne à temps le danger qui guette ses amis…

Commentaires

Le lecteur est invité à lire plus haut, dans la critique d’Un été à Nigelle, mes commentaires généraux sur la série Les Saisons de Nigelle. Rappelons brièvement qu’autour d’un lieu unique – la ville fictive de Nigelle –, Jean-Louis Trudel s’est donné pour défi d’écrire quatre romans faisant la ronde des saisons, à quatre époques différentes et cela, dans quatre genres différents. Ainsi, après le mystère pour le printemps et la science-fiction pour l’été, ce volet consacré à l’hiver est-il un roman fantastique.

On ne s’ennuie pas une seconde en lisant cette rare incursion de Jean-Louis Trudel dans les brumes troubles du fantastique, en observant tout de même que la reconstitution historique et les rouages de l’enquête, deux intérêts bien trudeliens, prennent le pas sur les éléments explicitement fantastiques. Pour qui se serait attendu à être surpris par Trudel, à découvrir une nouvelle voix, ça n’a pas été le cas – ce qui n’est pas nécessairement un reproche. En certains domaines, il est certes préférable de ne pas être surpris.

Le lecteur familier de Trudel ne sera pas étonné de retrouver ici une écriture précise, un sens sûr du suspense, un vocabulaire riche et varié, un travail de recréation historique convaincant truffé d’allusions parfois évidentes, parfois bien ésotériques (parions que je ne les ai pas toutes saisies !). Ainsi le lecteur sourit d’un air entendu lorsque, simple exemple, les trois protagonistes s’émerveillent devant les aménagements modernes de la riche villa. « Mazette, quel chic ! » s’exclame Léon, le fils d’une veuve qui ne vit certes pas dans la richesse. La France de l’entre-deux-guerres revit pour nous du point de vue de deux écoliers, avec ses bâtonnets de réglisse anisée, ses « pions » et ses rumeurs de troubles dans la lointaine Allemagne ; une petite ville en crise économique où deux garçons ne peuvent même pas acheter de quoi manger à l’insu de leurs parents sans éveiller les soupçons du commerçant !

De ce point de vue, Trudel a certainement fait du chemin pour rendre ses personnages vivants. Il a toujours privilégié l’action et la littérature d’idées, les amateurs de bluettes sentimentales doivent aller chercher ailleurs leur pitance. Cependant, dans ses premiers romans jeunesse, les réactions inappropriées de certains personnages nuisaient parfois à l’effet de réel. Sans avoir tout à fait disparu, cette faiblesse est beaucoup moins présente ici. Les deux adolescents sont bien campés, surtout Berthiaume. On se désole par contre du choix de Trudel d’enlever la mémoire à la jeune fille, Isabelle, évacuant du même coup presque toute profondeur à un personnage qui aurait pu être beaucoup plus intéressant. On notera que l’artifice de la perte de mémoire revient souvent chez Trudel – et j’emploie à dessein le terme artifice, considérant avec quelle légèreté les conséquences réelles d’une perte de mémoire sont traitées.

Par ailleurs, on peut s’interroger sur la décision de faire de Stavisky un personnage de ce roman. Y a-t-il un adolescent québécois sur mille qui ait la moindre idée qui était Stavisky ? Nous parlons d’une génération qui ne sait pas qui est Picasso ! Répétons qu’il s’agit davantage d’une interrogation que d’un reproche. Je serai le dernier à suggérer qu’on doive offrir à nos jeunes, pour capter leur intérêt, que de la bouillie prédigérée tournant autour de leur vie quotidienne, du groupe pop de l’heure ou de la dernière vedette médiatique. Mais j’ai l’impression qu’en introduisant dans son roman un personnage historique aussi mineur, Trudel est allé trop loin dans la direction inverse. [JC]

  • Source : L'ASFFQ 1997, Alire, p. 179-180.

Références

  • Mercier, Claude, Proxima 4, p. 69-70.
  • Spehner, Laurine, Lurelu, vol. 20, n˚ 3, p. 40.